mardi 18 avril 2023

La voie du Samouraï


Dans une auberge isolée, un samouraï est installé à dîner, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste d’un calme surprenant.
Trois ronin (guerriers vagabonds, sans maître) entrent à leur tour dans l’auberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte l’homme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils s’assoient à une table voisine et mettent tout en œuvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable, comme s’il n’avait même pas remarqué la présence des trois ronin. Loin de se décourager, les ronin se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes qu’il tenait à la main. Puis, calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble qu’il venait de provoquer parmi les ronin. En effet, non seulement ceux-ci s’étaient tus, mais pris de panique ils n’avaient pas tardé à s’enfuir. Ils venaient de comprendre à temps qu’ils s’étaient attaqués à un homme d’une maîtrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux maître : Miyamoto Musashi.

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À l’âge de soixante ans, quelques mois avant sa mort, il se retire dans une grotte pour méditer et rédige à l’intention de ses disciples l’œuvre majeure de sa vie : Traité des Cinq Roues.

Ce traité porte sur les arts martiaux et plus particulièrement l’escrime. Mais les principes qu’il énonce trouvent aussi à s’appliquer à toutes les activités de nature stratégique, à tous les gestes de la vie quotidienne : "Je comprenais bien, écrit Musashi, comme il est difficile de maintenir une position face aux événements. [...] J’ai appliqué les principes (avantages) de la tactique à tous les domaines des arts. En conséquence, dans aucun domaine je n’ai de maître."

Le Traité des Cinq Roues n’est donc pas seulement un livre de stratégie guerrière ou pour l’action. C’est aussi un guide sur la Voie, qui énonce les principes d’un art de vivre. Livre à la fois d’action et de sagesse, ou plutôt de sagesse dans l’action, il révèle le secret d’une stratégie victorieuse, d’un trajet initiatique qui passe par la maîtrise de soi.

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Les 9 principes de Musashi

Son enseignement se définit à deux niveaux. Celle de l'action efficace, qui permet de vaincre sans jamais perdre l'honneur. Celle de la sagesse, qui vise avant tout une victoire sur soi. C'est le sens de sa maxime : "devenez l'ennemi". Il s'agit d'atteindre la maîtrise de soi afin d'augmenter ses chances de maîtriser le monde, et ainsi d'atteindre la sagesse.

L'action efficace afin d'atteindre la sagesse n'est pas étranger à la Tradition occidentale, en particulier chez le stoïcien, qui bien qu'il ne s'agisse plus dans ce cas du modèle du guerrier mais de celui de l'Homme en progrès et du philosophe, n'en doit pas moins de se considérer comme son seul ennemi.

L'enseignement de Musashi peut se ramener à neuf principes :

1) Eviter toutes pensées perverses.

2) Se forger dans la Voie en pratiquant soi-même.

3)
Embrasser tous les arts et non se borner à un seul.

4) Connaître la voie de chaque métier, et non se borner à celui que l'on exerce soi-même.

5) Savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaque chose.

6) En toutes choses, s'habituer au jugement intuitif.

7) Connaître d'instinct ce que l'on ne voit pas.

8) prêter attention au moindre détail.

9) Ne rien faire d'inutile. 

Pour approfondir le sens de ces neuf principes, il faut se reporter à différents passage du traité, mais aussi les considérer en fonction de la tradition des arts martiaux et du bouddhisme zen. C'est l'objet de cette synthèse.

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1. Éviter toutes pensées perverses

"Les samouraïs doivent [...] n’avoir plus aucun point obscur sur la Voie qu’ils doivent pratiquer, n’avoir plus aucun égarement d’esprit, [...] et ainsi n’avoir aucune ombre. Alors, les nuages de l’égarement se dissiperont, c’est là le vrai ‘Vide’."

"Conservez un esprit vaste, droit, sans trop de tension ni aucun relâchement, évitez qu’il soit unilatéral, maintenez-le au juste milieu. [...] Même au plus fort de la mêlée d’une bataille, il faut rechercher les vérités de la tactique et bien réfléchir afin d’atteindre l’esprit immobile."

"Le coup ‘sans pensée, sans aspect’ [...] en partant du vide. On rencontre très souvent ce coup. Il faut donc bien l’apprendre et s’y exercer."

"[...] on doit posséder un esprit droit et il est important de conserver un esprit dégagé de tout sentiment de faiblesse vis-à-vis de soi-même."

De toute évidence, les "pensées perverses" dont parle Musashi sont l’effet de ce que l’on appelle dans la pensée traditionnelle le mental. Ce mot a la même racine que "menteur". Il s’agit en fait des pensées, des émotions, des interprétations, des représentations... de tout ce qui déforme la réalité.

Ce que suggère le mental – étant l’effet de nos projections – représente toujours une vision déformée de la réalité, de ce qui est.

Parvenir au "vide" revient à apaiser, à dominer le mental : le bavardage intérieur alimenté par les pensées, les émotions. L’objet premier de la méditation est précisément de réduire le fonctionnement du mental, voire de le supprimer. On y parvient par la concentration de l’attention.

Pendant la méditation, la pratique bouddhique de Vipassana préconise de laisser les nuages de l’égarement apparaître et disparaître, ce qui permet à la longue d’atteindre le vide.

"Le Vide est comparable au firmament purifié de tous les nuages de l’égarement."

Or, cette vigilance doit s’exercer non seulement dans la pratique de la méditation proprement dite mais aussi dans l’action, qui devient ainsi une forme de méditation. La vigilance dans l’action s’exerce par la concentration de l’attention au geste, au mouvement, au corps – ici et maintenant.

Atteindre le vide, c’est guérir l’esprit en se libérant en particulier de ce que l’on appelle parfois la paranoïa sensitive : le "délire" entretenu par la peur d’être rejeté, par le doute et, en général, par les émotions et les représentations négatives... Ce travail sur soi est d’autant plus important que le mental demeure le plus important facteur de stress.

Telle est la première tâche du guerrier dans l’action : atteindre le vide mental, devenir transparent à lui-même. Autrement dit, parvenir à la conscience d’être, à ce qui, à l’arrière-plan, dit : "Je suis".

Cette pratique, qui est millénaire, revient à faire taire l’esprit critique et à s’en remettre au corps, au "laisser faire". On parvient alors, comme l’ont soutenu depuis toujours les maîtres des arts martiaux et, depuis peu, un nombre de plus en plus grand d’entraîneurs dans les sports de compétition ("jouer en dehors de sa tête"), à maintenir l’attitude juste qui favorise la spontanéité. S’en remettre au corps revient, en définitive, à s’en remettre au ça, c’est-à-dire à l’intelligence instinctive

L’entraînement que suggère Musashi concerne toutes les disciplines et trouve à s’appliquer à toutes les situations de la vie. Si l’on reprend l’exemple donné par le sport : "La plupart des joueurs qui écoutent ce qui se passe dans leur tête entendent un dialogue intérieur qui s’interrompt seulement durant leurs rares périodes de concentration intense. Le reste du temps, ce dialogue se poursuit inlassablement." Ou encore avec le tir à l’arc : "Dès que nous réfléchissons, délibérons, conceptualisons, l’inconscient se perd et une pensée s’interpose. La flèche a quitté la corde, mais elle ne vole pas directement vers la cible, et la cible n’est plus où elle est. Le calcul, qui est un faux calcul, s’en mêle. Tout le tir à l’arc en est faussé. L’homme est bien un roseau pensant mais ses plus grandes œuvres se font quand il ne pense ni ne calcule. Il nous faut redevenir ‘comme des enfants’ par de longues années d’entraînement à l’art de l’oubli de soi."

Le yoga de la communication quant à lui consiste à atteindre ce vide mental non pas lorsque le corps est engagé dans l’action, mais lorsque c’est l’esprit qui est engagé dans l’expérience. L’état dans lequel l’on se trouve alors est l’effet de la production d’ondes alpha par le cerveau (cette production est également observée chez les shamans en transe). Les conséquences de cet état entraînent d’ailleurs des conséquences allant au-delà de sa propre personne… L’enthousiasme n’est sans doute pas aussi grand que celui ressenti dans les conditions où c’est le corps qui se trouve engagé dans l’action, mais il n’en est pas moins bien réel... La différence entre les deux types d’expérience paraît tenir à ce que, dans le cas où c’est le corps qui se trouve engagé, l’expérience prend appui sur l’instinct ; et que, dans le cas où c’est l’esprit, l’expérience se traduit plutôt comme un accès direct à l’intuition... La posture du corps n’est pas étrangère à l’attitude juste au plan psychique.

Deux règles sont d’ailleurs à ne pas oublier : lorsque la position le permet, maintenir le dos droit, plus précisément au niveau de la cinquième vertèbre lombaire, comme si on montait à cheval, la partie supérieure du dos ayant peu d’importance ; et adopter le plus possible la respiration abdominale. Ces deux règles sont fondamentales dans la méditation. Il s’agit de les appliquer aussi, le plus possible, dans l’action. L’attitude juste au plan physique entraîne toujours l’attitude juste au plan psychique.

À propos du mental, il a surtout été question jusqu’ici des pensées. Mais le mental comprend aussi les émotions; de même que les interprétations, les représentations, etc., qui sont l’effet de l’interaction des pensées et des émotions. L’entraînement du guerrier exige donc qu’il intervienne aussi dans la dimension émotionnelle du fonctionnement mental. Mais que l’on ne se méprenne pas sur le sens de ce travail. Il ne s’agit pas ici de refouler les émotions mais de les prévenir ou de les assumer en pleine conscience.

On trouve dans la tradition des samouraïs une anecdote qui illustre bien l’importance du travail sur soi au niveau des émotions. Un samouraï se vit un jour confier la tâche de venger le meurtre de son Shogun. Étant parvenu à trouver l’assassin, le guerrier dégaine son sabre et s’avance lentement vers son adversaire pour en finir. C’est alors que l’autre, dans un geste de rage et de désespoir, crache à la face du guerrier! Sur le coup, le guerrier hésite un moment, recule d’un pas... puis, curieusement, rengaine son sabre et s’éloigne! L’autre, encore sous le choc, lui demande alors pourquoi il renonce à le tuer au moment où il n’a plus qu’à lever son sabre pour lui trancher la gorge. Et le guerrier de répondre que le crachat l’avait mis en colère et que s’il l’avait tué sous le coup de la colère, c’eût été un acte personnel commandé par une émotion et non par l’acte impersonnel de vengeance qu’il était venu accomplir. Son geste, autrement dit, ne pouvait être accompli qu’en état de vide mental : "sans pensée, sans émotion..."


2. Se forger dans la voie en pratiquant soi-même et non par le jeu des idées

C’est d’une pratique dont il s’agit ici. Les principes de Musashi n’invitent pas à la spéculation mais à l’engagement dans une pratique. Pour le guerrier, la pratique régulière, assidue peut faire la différence entre la vie et la mort. Dans certaines disciplines des arts martiaux, on rappelle qu’il faut pratiquer tel mouvement, tel geste, "10 000 fois", c’est-à-dire jusqu’à pouvoir le retrouver spontanément lorsque l’on doit y recourir. Il en va de même pour celui qui considère plutôt ces principes comme les règles d’un art de vivre. C’est dans la pratique que le guerrier se crée lui-même.

Le guerrier considère chaque situation qui se présente comme l’occasion d’un entraînement qui doit se traduire par des pensées justes, des paroles justes, des actions justes. La tradition samouraï commande en toutes choses l’attitude juste. On trouve la même prescription dans la tradition amérindienne. Chez les Yaquis, Don Juan enseigne à son disciple l’impeccabilité ou encore, si je me réfère à une autre tradition, occidentale et moyenâgeuse : une conduite sans peur et sans reproche – devise du chevalier Bayard ! Plus près de nous, Benjamin Franklin, l’un des signataires de la Constitution américaine, qui était franc-maçon et rosicrucien, insiste dans son autobiographie sur la nécessité de pratiquer ce qu’il appelait les "vertus morales". Il s’imposait d’ailleurs tous les soirs un examen de ses comportements de la journée.

On trouve aussi cette pratique dans la tradition chinoise. Maître K’ong (Confucius) l’énonce en ces termes : "Chaque jour, je m’examine plusieurs fois : Me suis-je fidèlement acquitté de mes engagements ? Me suis-je montré digne de la confiance de mes amis ? Ai-je mis en pratique ce qu’on m’a enseigné ?"

Je dirais même qu’il faut éviter de se prendre au piège de la spéculation. Il semble en effet que nous ayons une forte tendance à la spéculation. C’est ainsi que dans le domaine du développement personnel, de la croissance, qui nous intéresse plus spécialement ici, on trouve aujourd’hui un nombre considérable de livres sans doute valables mais dont la lecture se traduit rarement par une pratique sérieuse. On se contente le plus souvent d’aller d’un livre à un autre sans trouver la motivation de mettre en pratique les enseignements.

Il est vrai que, dans tous les domaines, passer à la pratique suppose que l’on exerce déjà une certaine maîtrise sur sa vie. Qu’est-ce donc, en effet, qui empêche de passer à la pratique de l’enseignement ? On invoque le plus souvent le manque de temps. Il s’agit pourtant du temps de sa propre vie. Est-il possible que l’on ne puisse pas retenir pour soi une partie de son temps ? On invoque alors les devoirs, les obligations pour expliquer, pour justifier le manque de temps pour soi. C’est bien ce que je dis : passer à la pratique suppose que l’on exerce déjà une certaine maîtrise sur sa vie, sur son temps. Encore faut-il pouvoir agir, c’est-à-dire pouvoir exercer son libre arbitre, plutôt que réagir, c’est-à-dire se soumettre au destin... Ce qui ne va pas de soi. Tout se passe, en effet, comme si le libre arbitre devait faire l’objet d’une conquête. Je vous soumets cette hypothèse troublante : il n’y aurait pas de libre arbitre si ce n’est la part de l’énergie en devenir que l’on parvient à libérer de son destin. Ce n’est qu’une hypothèse, bien sûr. Mais je la crois susceptible de provoquer une prise de conscience de la difficulté d’exercer son libre arbitre. Je n’arrive pas à m’expliquer autrement que l’exercice du libre arbitre exige toujours un effort. S’il y a effort, c’est qu’il y a résistance. Tout se passe comme si le destin résistait à toute tentative d’exercer le libre arbitre. C’est ainsi que pour passer à la pratique de l’enseignement, il faut faire un effort afin de trouver le temps, l’énergie, la motivation...

Mais peut-être, plus simplement, le libre arbitre est-il source d’angoisse, ce qui expliquerait que l’on préfère être lié par les événements, les circonstances, les conditions de la vie, commandés par le destin. La peur de la liberté découlerait en partie de la peur d’être seul, isolé, différent, rejeté. Quoi qu’il en soit, on peut trouver – relativement – le temps, l’énergie, la motivation de passer à la pratique le jour où l’on comprend que l’on doit se libérer de certaines contraintes, faire des choix et se les imposer ; que l’on doit exercer un certain libre arbitre sous peine de reconnaître que je l’on en a pas. Passer à la pratique représente peut être le plus exigeant des principes suggérés par Musashi. Ce principe, qui à prime abord paraît aller de soi, exige un effort considérable.


3-4. Embrasser tous les arts et non se borner à un seul et non se borner à celui que l’on exerce soi-même

Sauf erreur ces deux principes se complètent.

Dans le premier, Musashi invite à une certaine polyvalence dans les arts martiaux ; à ne pas se limiter à la pratique d’un seul art mais à se familiariser avec tous les autres. L’expérience acquise dans la pratique de nombreux arts – techniques, disciplines, etc. – contribue à développer des qualités qui seront mises à profit dans l’art – technique, discipline, etc. – que l’on souhaite maîtriser. L’avantage que représente une telle démarche, non seulement dans les arts martiaux mais dans tous les domaines, paraît évident.

Dans le second principe, Musashi va encore plus loin lorsqu’il invite à ne pas se borner au métier que l’on exerce mais à connaître la voie de chaque métier.

L’insistance que met Musashi à suggérer une expérience élargie, une connaissance générale – puisqu’il consacre deux principes à cet aspect de la démarche du guerrier – mérite que l’on s’y attarde.

On comprend que Musashi, sans pour autant négliger la formation spécialisée puisqu’il était lui-même un spécialiste, recommande pourtant ce que nous appelons aujourd’hui une formation générale.

La formation spécialisée tend à résoudre les problèmes à partir d’un seul point de vue alors que la formation générale tient compte de l’ensemble et fait place à la dimension humaine. Recourant à la systémique, je dirais que la formation spécialisée évoque analogiquement un système fermé qui par définition n’échange ni énergie, ni matière, ni information avec son environnement; et la formation générale, un système ouvert, donc en relation avec son environnement.

"On peut se demander finalement si la véritable intelligence n’est pas celle qui généralise, l’intelligence non homogène, non close sur un domaine déterminé. L’intelligence suppose avant tout la libération de ce qui l’empêche de se manifester pleinement, l’intelligence exige de sortir de toutes les prisons, des dogmes, des tabous, des coutumes, des opinions. Répétons ici qu’il n’y a pas d’intelligence réelle sans une totale ouverture de l’esprit, sans une curiosité insatiable. Il n’y a aucune intelligence qui soit bloquée sur des opinions établies une fois pour toutes. L’homme intelligent possède en lui tellement d’opinions diverses qu’il n’éprouve plus le moindre besoin de se fixer sur une opinion, quelle qu’elle soit."
Pierre Daco

La déshumanisation de la société actuelle, du système sociopolitique ou socio-économique, selon le point de vue, apparaît à de nombreux observateurs comme l’effet en grande partie de l’hyperspécialisation qu’entraînent la bureaucratie, la technocratie. De la techno-bureaucratisation systématique de la société.

Les considérations humanistes ne peuvent être que l’effet d’une formation et d’une vision de généraliste qui permettent de considérer les problèmes dans leur complexité plutôt que de les ramener à leurs éléments simples en fonction d’un seul point de vue.

"Si le seul outil dont vous disposiez était un marteau, vous seriez enclin à tout prendre pour un clou! "
Abraham Maslow

"Il ne suffit pas d’apprendre à l’homme une spécialité. Car il devient ainsi une machine utilisable mais non une personna-lité. Il importe qu’il acquière un sentiment, un sens pratique de ce qui vaut la peine d’être entrepris, de ce qui est beau, de ce qui est moralement droit. Sinon il ressemble davantage, avec ses connaissances professionnelles, à un chien savant qu’à une créature harmonieusement développée. Il doit apprendre à comprendre les motivations des hommes, leurs chimères et leurs angoisses pour déterminer son rôle exact vis-à-vis des proches et de la communauté."
Albert Einstein

"Les masques effrayants que portent, dans La guerre des étoiles, les gens au service des forces du mal représentent en fait une force monstrueuse dans le monde actuel. Lorsque Darth Vader se retrouve sans son masque, on découvre un homme immature, qui ne s’est pas développé en tant qu’être humain. Ce que l’on découvre, c’est en fait un visage pour ainsi dire pitoyable.

"Darth Vader n’a pas développé son humanité. Il est un robot. Il est un bureaucrate, qui ne vit pas selon ses valeurs mais selon celles que lui impose le système. Tel est le défi que nous devons tous relever aujourd’hui dans nos vies. Est-ce que le système va t’écraser et nier ton humanité ou parviendras-tu à utiliser le système pour la réalisation d’objectifs humains ? Quel rapport entretiens-tu avec le système, qui t’assure que tu ne le serves pas de façon compulsive ? L’attitude à adopter consiste à se définir dans cette période de l’histoire comme un être humain en demeurant attaché à ses propres idéaux et, comme Luke Skywalker, en repoussant les exigences impersonnelles du système."
Joseph Campbell

La seconde interprétation que me suggèrent ces deux principes de Musashi est moins évidente. La démarche qu’il préconise en suggérant de passer d’un art à un autre, d’un métier à un autre, me paraît inviter à considérer une loi fondamentale que l’on appelle dans la tradition occidentale l’invariant commun. Il s’agit ici de la loi d’analogie que l’on ne peut saisir que si, passant d’une discipline à une autre, on prend conscience que certaines règles fondamentales leur sont communes. C’est ainsi par exemple que le rapport (de deux longueurs, surfaces, etc.) en architecture équivaut à l’intervalle (accord consonant ou dissonant de deux notes) en musique... Encore faut-il pour prendre conscience de l’invariant commun avoir certaines notions de ces deux disciplines.

Le fait de posséder des connaissances ou des aptitudes dans diverses disciplines a pour effet de favoriser le fonctionnement analogique.

Inventeur des "ondes Martenot", Maurice Martenot était à la fois ingénieur de formation et musicien autodidacte. Il a fondé au Conservatoire National de Musique de Paris un cours pour la formation musicale des élèves des classes de danse, suivant les principes d’éducation musicale qu’il avait établis sur des bases psychophysiologiques. Ces connaissances dans ce domaine complexe lui ont aussi inspiré une méthode de relaxation, la kinésophie. Martenot a aussi fondé, à une étape de son étonnante carrière, l’École d’art Martenot...

"Ondes radioélectriques ou ondes sonores ont les mêmes caractéristiques quant au phénomène de résonance par sympathie. Dans le domaine des sons : lorsqu’un corps sonore (les cordes d’un violon ou celles d’un piano) ébranle par ses vibrations les molécules de l’air, tout objet placé dans son voisinage se met lui aussi à vibrer si toutefois sa vibration propre (sa hauteur de son) est la même que celle émise par le violon ou le piano. Autre exemple : si, ayant observé la hauteur de son d’un verre de cristal, on chante à proximité un son de même hauteur, la vibration des cordes vocales transmise par l’air est reçue par le verre et alimente son mouvement vibratoire. Les ondes radioélectriques diffusées dans l’espace apportent à nos postes une parcelle d’énergie suffisante pour mettre en action (après amplification) la membrane du diffuseur. Dans tous ces exemples, il y a transfert d’énergie. C’est par un phénomène identique que la mise en résonance avec les forces de vie nous apporte l’énergie cosmique."


5. Savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaque chose

Ce principe m’apparaît comme une invitation à voir les situations dans lesquelles on se trouve avec réalisme. Autrement dit, à «voir ce qui est». Les avantages, bien sûr, mais aussi les inconvénients. Et surtout les inconvénients que vont entraîner les avantages, car il n’y a pas d’avantages sans inconvénients, de même qu’il n’y a pas non plus d’inconvénients sans avantages (bien que le dernier terme de cette proposition paraisse en général moins évident...).

Cette vision peut sembler pessimiste mais l’observation la plus élémentaire permet de constater qu’elle est tout simplement réaliste. C’est ainsi, par exemple, qu’à une époque les maladies infectieuses (inconvénients) régressent grâce aux antibiotiques (avantages) ce qui, du fait de l’explosion démographique qui s’ensuit, provoque les plus grandes famines (inconvénients) de l’histoire de l’humanité... Je pourrais poursuivre ad infinitum sur cette lancée : les syndicats (avantages) ont entraîné un alourdissement (inconvénients) du fonctionnement des institutions et des entreprises ; la révolution industrielle a contribué au confort (avantages) d’une partie de l’humanité, mais elle est responsable de l’exploitation de l’autre partie et de la pollution sur l’ensemble de la planète (inconvénients) ; les technologies du transport permettent aujourd’hui à des millions de personnes de découvrir le monde (avantages), mais ce flux de touristes représente une menace grave pour l’équilibre des systèmes, naturels aussi bien que sociaux (inconvénients) ; l’hygiène de vie, une meilleure alimentation et (encore une fois) les progrès de la médecine sont autant de facteurs qui contribuent à l’augmentation de l’espérance de vie (avantages), mais on découvre que cette augmentation entraîne de nouvelles maladies, des coûts sociaux causés par le vieillissement de la population qui menacent l’économie et, pour un grand nombre de personnes âgées, des conditions de vie qui tiennent davantage du naufrage que de la sérénité... (inconvénients) ; etc.

C’est que nous vivons dans un monde de dualité. Il faut aussi entendre ce mot dans le sens d’ambivalence, de contradiction. Si nous considérons l’énoncé de Musashi en fonction de l’énergie, nous dirions que le positif et le négatif finissent toujours par s’équilibrer. Le taoïsme enseigne que l’énergie cosmique, qui se manifeste à tous les niveaux, comporte deux aspects opposés et complémentaires que sont le yin, la tendance passive, et le yang, la tendance active. Ces deux tendances se manifestent en alternance, l’une se trouvant en puissance dans l’autre. C’est ainsi que dans la symbolique taoïste, on représente ces deux formes d’énergie par un cercle que divise une ligne sigmoïde (en forme de S) avec, de part et d’autre, le yin et le yang : la partie noire comportant un point blanc et la partie blanche un point noir, ce qui signifie que l’une donne naissance à l’autre.

Dans ces conditions, où est le progrès ? En effet, si "les avantages et les inconvénients de toutes choses" sont indissociables et si chaque fois que l’on trouve une solution à un problème, elle entraîne un nouveau problème, parfois même plusieurs, où donc est le progrès ? Troublante question. Surtout, étant donné l’impossibilité d’échapper à cette tyrannie, comment éviter d’être paralysé dans l’action ?

L’évolution procéderait comme une spirale excentrique, qui va s’élargissant petit à petit. Par un processus d’essais et d’erreurs, de nouvelles conditions sont créées qui permettent à la conscience de faire de nouvelles expériences. Rien n’interdit de penser, bien sûr, qu’elles représentent un progrès matériel. On estime volontiers que les conditions de vie actuelles sont relativement meilleures qu’elles ne l’étaient autrefois, du moins pour nous. Il devient évident qu’elles ne sont meilleures que pour quelques privilégiés. C’est ainsi que l’on se trouve très vite devant la dualité. Mais, comme le suggère l’image de la spirale excentrique, à travers ce processus d’essais et d’erreurs, la conscience s’étend. Tel est le véritable progrès. Ce principe, si on l’applique au domaine de l’action, suppose donc qu’il est impossible de prendre des décisions, d’arrêter des politiques, qui ne comportent que des avantages : elles vont nécessairement entraîner aussi des inconvénients. Dans le monde de la dualité où nous sommes, les deux aspects positif et négatif de l’énergie que représentent les avantages et les inconvénients tendent vers un équilibre dans le temps. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’une telle vision oblige à considérer les situations dans leur complexité et à prévoir autant que possible les inconvénients qu’entraîneront nécessairement les avantages obtenus. Il s’agit toujours, partagés que nous sommes entre "les avantages et les inconvénients de toutes choses", d’orienter l’énergie avec lucidité.


6. En toutes choses, s'habituer au jugement intuitif

"L’intuition peut donner le jour à une théorie mais on n’a jamais vu une théorie donner le jour à une intuition."
Albert Einstein
La raison ne suffit pas.

L’intuition est un mode de connaissance directe qui ne passe pas par le raisonnement, la déduction, la logique.

À une étape de l’évolution où la technologie permet, grâce à l’informatique, de prolonger non seulement la mémoire mais d’une certaine façon le raisonnement, la déduction et la logique, il paraît important de rappeler que ce mode de fonctionnement ne suffit pas. Dans la mesure où l’hémisphère gauche du cerveau, qui assure en grande partie ce mode de fonctionnement, se trouve prolongé par la technologie, il faut d’autant plus s’employer à éveiller, à stimuler l’hémisphère droit, qui assure en grande partie le fonctionnement intuitif, afin de ne pas devenir les esclaves de nos machines.

Devenir les esclaves de nos machines revient, en définitive, à fonctionner comme elles. "L’organisation mécanique, écrivait Einstein, s’est substituée partiellement à l’homme novateur." Un développement excessif de la pensée rationnelle finit par atrophier l’intuition. Pour la machine, il s’agit toujours de choisir entre 0 ou 1, blanc ou noir, oui ou non. Il s’agit ici, comme chacun sait, d’un fonctionnement binaire. Mais l’homme se définit aussi au niveau ternaire. C’est même ce qui le distingue essentiellement de la machine. Il y a opposition et complémentarité entre le "oui ou non" de la machine et le "oui et non" de Pythagore, qui est propre à l’homme. Il existe une dialectique, un échange incessant entre les deux modes de fonctionnement, que sont, d’une part, le raisonnement, la déduction et la logique au niveau binaire et, d’autre part, l’intuition au niveau ternaire. Mais il demeure que, dans la complexité, c’est le "oui et non", autrement dit la dimension intuitive, qui permet de fonctionner. Or, le monde devenant de plus en plus complexe, nous devons désormais faire davantage appel à l’intuition.

Non seulement l’intuition permet-elle de fonctionner dans la complexité mais aussi dans l’ambiguïté, voire dans la contradiction. La tolérance à l’ambiguïté, à la contradiction, est une des qualités du guerrier d’aujourd’hui, qui doit pouvoir fonctionner en l’absence de valeurs stables et gérer le chaos alors que les repères sont flous. À l’époque où la NASA recrutait ses premiers astronautes, les candidats furent soumis à une batterie de tests particulièrement exigeants. Malgré tout, le nombre de candidats demeura encore trop élevé. Il fallait donc trouver un dernier critère d’admissibilité afin de retenir les plus qualifiés. On soumit donc ces candidats à un test permettant d’évaluer leur tolérance à l’ambiguïté, autrement dit leur aptitude à maîtriser une situation encore indéterminée, qui appelle des jugements contradictoires. En définitive, cela revenait à ne conserver que les candidats capables de faire appel au jugement intuitif. Telle est sans doute aujourd’hui dans notre monde, la qualité primordiale du guerrier dans l’action.

Dans les situations complexes, le mode de pensée déductif est insuffisant, comme pour la pratique divinatoire du jeu de Tarots.

Les vingt-deux lames (cartes) des Tarots représentent vingt-deux concepts. Elles peuvent toutefois occuper vingt-deux positions différentes, ce qui leur donne un sens particulier : nous voici donc en présence de (22 x 22) concepts. Par ailleurs, le sens de chaque lame change selon qu’elle est à l’endroit ou à l’envers : nous voici maintenant en présence de (22 x 22 x 2) concepts... En dernière analyse, je dirais qu’on arrive à une combinatoire qui serait de l’ordre de (22 x 22 x 2)22 sauf erreur! Soit...

Il est certain qu’une bonne connaissance du sens de chacune des lames et de chacune des positions est nécessaire. C’est la part de la raison. C’est en quelque sorte posséder le mode d’emploi. Mais les Tarots représentent un tel système de variations combinatoires, autrement dit de permutations de sens à l’infini, que leur complexité impose rapidement de faire appel aussi, je dirais même surtout, à l’intuition. Le passage d’un niveau de fonctionnement à l’autre, de l’interprétation déductive à l’interprétation intuitive, si on en est conscient au moment où il se produit, représente une expérience exaltante. Que ce soit à l’occasion de l’interprétation des Tarots ou d’une prise de décision dans l’action, on a soudain l’impression d’une expansion de la conscience. Le cerveau qui jusque-là émettait surtout des ondes bêta émet alors davantage d’ondes alpha.

Comment s’éveiller à l’intuition?

"Le poète trouve d’abord, il cherche ensuite."
Jean Cocteau

Chercher et trouver correspondent en fait aux deux modes de pensée fondamentaux. Le poète – dont l’une des fonctions consiste à rendre familier ce qui est étrange et étrange ce qui est familier – suggère ici de renverser l’ordre habituel : de trouver d’abord et de chercher ensuite. Or, cette formule résume très bien le brainstorming, à propos de l’invariant commun. Cette méthode de créativité conçue par Alex Osburn favorise le fonctionnement du mode de pensée intuitif, le générateur d’idées, lui permettant de "trouver d’abord" en réduisant le plus possible, selon la règle dite du jugement différé, le fonctionnement du mode de pensée déductif, qu’il appelle le filtre à idées.

Il s’agit donc de mettre en veilleuse l’esprit critique, car nous avons tendance à évaluer une nouvelle idée, à l’analyser, à soulever des objections et à conclure prématurément. Lorsque l’on se soumet à la règle du jugement différé, on reporte à une étape ultérieure l’intervention du mode de fonctionnement déductif de la pensée, s’accordant ainsi un délai avant de peser le pour et le contre. Sans se soucier de la pertinence des idées ou de leurs possibilités de mise en pratique, les participants auxquels on propose une suite de stimuli expriment toutes les idées qui leur viennent à l’esprit. Ces idées émergent parfois par associations, formant comme une suite de la même famille ; parfois, au contraire, elles n’ont aucun rapport les unes avec les autres. Un meneur de jeu qui a préparé la séance énonce les règles à respecter et veille à leur application. À l’occasion, il imprime une nouvelle orientation à la recherche en soumettant de nouveaux stimuli. Une autre personne joue le rôle de greffier, qui consigne les idées au fur et à mesure qu’elles sont émises. La séance doit se dérouler avec une certaine rigueur mais dans un climat ludique.

Cette méthode a été conçue pour stimuler la créativité en groupe. C’est à cette condition qu’elle se révèle la plus fructueuse, l’interaction des participants ayant un effet d’entraînement. Mais, comme le fait remarquer Philip Goldberg : "Les règles à observer sont fort simples, et les principes de base aisément adaptables, de sorte que la technique peut aussi s’appliquer individuellement. Ces règles sont au nombre de quatre :

- Quelles que soient les idées proposées, on ne doit ni les discuter, ni les juger. Leur analyse critique fera l’objet d’une séance ultérieure.

- Abondance d’idées ne nuit pas, bien au contraire. Comme le dit un proverbe chinois : ‘Qui veut prendre un poisson doit tendre plusieurs lignes.

- Aucune idée ne doit être considérée a priori comme étrange, farfelue ou totalement hors du sujet. Le but recherché n’est pas d’être dans le vrai, mais d’amorcer un processus générateur de solutions de rechange neuves.

- On s’efforcera au maximum d’amalgamer entre elles les différentes idées émises, de les modifier ou de les perfectionner."

Le brainstorming est une tactique du guerrier sur la Voie de l’action.


7. Connaître d'instinct ce que l'on ne voit pas

Ce principe se rapporte à la nature animale de l’homme.

Il me paraît significatif que Musashi fasse une distinction entre l’intuition, qui est l’objet de son sixième principe, et l’instinct dont il parle ici. Cette distinction est d’autant plus importante que l’on a souvent tendance à confondre ces deux termes.

INSTINCT : "Impulsion qu’un être vivant doit à sa nature ; comportement par lequel cette impulsion se manifeste. [...] D’instinct : d’une manière naturelle et spontanée."

INTUITION : "Forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement."

Selon la pensée traditionnelle, l’être humain se définit en fonction d’une polarité fondamentale :

• l’intuition, qui correspond au pôle supérieur, celui de la divinité, de la conscience cosmique ;

• et l’instinct, qui correspond au pôle inférieur, celui de l’animalité, de l’énergie vitale.

L’instinct est la tendance innée, commune à tous les êtres vivants. C’est par l’instinct que nous participons de la nature, en nous comme à l’extérieur de nous.

L’instinct représente la nature en nous par rapport à la culture.

L’on peut regrouper l’enseignement traditionnel en fonction de la représentation suivante :

- ce qui concerne le mental, la raison, l’imagination, l’intuition, par rapport à la tête ;

- ce qui concerne les émotions, les sentiments, par rapport au cœur ;

- ce qui concerne les sensations, l’instinct, le corps, l’animalité, par rapport au ventre.

L’instinct correspond donc au ventre.

LE HARA

Que ce soit dans les arts martiaux ou dans la pratique de zazen (technique de méditation zen), la tradition japonaise enseigne que le centre de l’instinct est le hara.

Le mot japonais hara signifie "ventre". Mais il est souvent employé pour parler du centre de gravité, le point d’équilibre du corps, où sont concentrées les forces vitales.

Ce centre se trouve à l’intérieur de l’abdomen : entre, d’une part, quatre centimètres environ (deux ou trois doigts) sous le nombril et, d’autre part, la cinquième vertèbre lombaire.

Le hara est le noyau de l’énergie vitale, de la force instinctive ou ki.

De la conscience du corps...

Dynamiser l’instinct commande de vivre en harmonie avec la nature, en chacun de nous comme à l’extérieur, car je suis dans la nature et la nature est en moi.

La nature en moi est le corps.

"Connaître d’instinct" prend appui sur le corps.

Tout exercice physique permet de dynamiser l’instinct. Mais l’attention au corps, lorsque le genre d’exercice le permet, a pour effet de développer aussi la conscience du corps, en ajoutant une dimension importante : le maîtrise du mental. Il s’agit par cette pratique – comme dans les arts martiaux qui doivent être pratiqués non pas mécaniquement mais en étant conscient de la posture, du mouvement du corps – d’étendre ainsi la conscience, qui est le plus souvent logée dans la tête, à l’ensemble du corps. Autrement dit, d’incarner la conscience dans tout le corps.

L’attention au corps fait de tout exercice une forme de méditation, une méditation dynamique.

La respiration abdominale permet aussi de développer la conscience du corps. L’attention est d’abord tournée vers l’abdomen, le hara : inspiration/expiration... Puis, petit à petit, elle s’étend à tout le corps jusqu’à inclure éventuellement le rapport du corps à l’environnement.

... à la conscience de soi.

La conscience du corps, que ce soit par l’attention aux sensations tactiles (et auditives), aux mouvements ou à la respiration abdominale, permet d’accéder à la conscience de soi, la conscience d’être.

Il n’y a pas de fonctionnement harmonieux sur les autres plans qui ne prenne appui sur l’instinct, fondement de l’être. "Connaître d’instinct", pour reprendre la formule de Musashi, c’est prendre conscience de soi, de l’être dans sa globalité.


8. Prêter attention au moindre détail

Contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, l’attention au moindre détail, que suggère Musashi, suppose qu’il faut avoir une vue d’ensemble et non pas s’attacher à chaque détail en particulier. C’est ce qui ressort de la distinction qu’il fait dans son traité entre voir et regarder : "Entre voir et regarder, voir est plus important que regarder."

• voir, c’est précisément élargir l’attention à l’ensemble – ce qui correspond à la vision passive ;

• regarder, c’est au contraire focaliser l’attention sur un détail – ce qui correspond à la vision active.

Musashi précise : "Ce qui est important, c’est que dans cette Voie, on ne peut devenir expert en la tactique sans avoir une vue directe et vaste... [...] La position doit permettre de voir largement et vastement. Entre voir et regarder, voir est plus important que regarder. L’essentiel dans la tactique est de voir ce qui est éloigné comme si c’était proche et de voir ce qui est proche comme si c’était éloigné. L’important dans la tactique est de connaître le sabre de l’adversaire, mais de ne pas regarder du tout ce sabre adverse. Méditez bien là-dessus. Cette position des yeux convient aussi bien dans la tactique du simple duel que dans une bataille."

Méditer en marchant

Il existe une technique qui consiste simplement à s’entraîner à voir plutôt qu’à regarder. Mais il s’agit dans cette pratique de maîtriser non pas la vue – qui assure toujours à la fois les deux fonctions : voir et regarder – mais l’attention. Autrement dit, pour employer le langage de la physiologie, de dissocier l’attention de la vision restreinte assurée par la fovea centralis (et, relativement, par la macula oblongata) pour l’investir dans le champ visuel élargi que propose la vision périphérique.

"Le premier point est de savoir regarder de côté sans bouger les pupilles." Ce qui revient à investir l’attention dans le champ visuel élargi que propose la vision périphérique.

Afin de bien saisir la différence entre voir et regarder, il faut en faire soi-même l’expérience. Je vous suggère donc de constater :

• que la vision focalisée, assurée surtout par la fovea, est restreinte : il suffit de regarder un objet, qu’il soit proche ou éloigné, pour constater qu’on n’en perçoit avec netteté qu’une toute petite partie ;

• qu’il est possible de prendre conscience de la vision périphérique en élargissant le champ de l’attention des deux côtés à la fois sans bouger les yeux.

Telle est, en somme, la différence entre voir – la vision élargie – et regarder – la vision restreinte –

Telle est aussi, en ce qui concerne l’expérience visuelle, la différence entre l’attention passive (voir) et l’attention active (regarder).

C’est sur cette pratique que repose la méditation en marchant : sur le fait d’élargir le champ de l’attention en fonction de la vision périphérique de façon à voir plutôt qu’à regarder.

Chaque fois que j’élargis le champ de l’attention, passant ainsi de l’attention active à l’attention passive, je constate :

• que l’environnement ne m’apparaît plus à l’extérieur de moi, mais que je me perçois au contraire à l’intérieur – ce qui augmente mon sentiment de participation ;

• qu’il m’est plus facile, lorsque mon attention correspond à la vision périphérique, de prendre conscience de mon corps, de ma présence ici et maintenant, et d’être conscient de moi-même, conscient d’être ;

• qu’il m’est aussi plus facile d’apaiser le fonctionnement du mental : dans la mesure, en effet, où l’attention passive est soutenue, "ça" cesse de parler dans ma tête.

Élargir le champ de l’attention en fonction de la vision périphérique, autrement dit voir au lieu de regarder, représente donc, à toutes fins utiles, une technique de méditation.

Cette technique de méditation, que j’associe plus spécialement à la marche, trouve aussi à s’appliquer dans de nombreux domaines, notamment dans certains sports. Chaque fois que l’on étend l’attention à la vision périphérique, non seulement on a une vue d’ensemble mais on exerce une maîtrise sur le mental. Le bavardage (du moi n° 1 de Gallwey) se trouve alors suspendu. Cette pratique exige un entraînement. Comme le souligne Musashi : "Cette position ne peut être acquise d’un seul coup dans les moments d’urgence. Donc, ayez bien en tête tout ce que j’ai écrit jusqu’ici, gardez bien cette position des yeux dans la vie quotidienne et en toutes occasions ne modifiez pas la position de vos yeux."

Au plan psychologique, cette pratique peut aussi s’étendre à toutes les situations de la vie. Il suffit de transposer analogiquement au plan psycho-logique, dans ses attitudes et ses comportements, ce qui a été défini jusqu’ici au plan physiologique en considérant les événements, les circonstances, les conditions de la vie mais aussi les êtres, autrement dit en percevant le monde de la façon que suggère la vision périphérique, prêtant ainsi attention au moindre détail mais sans jamais perdre de vue l’ensemble.


9. Ne rien faire d'inutile

Ce principe recoupe un des points capitaux de l’enseignement du bouddhisme zen : le wu-wei, hérité de la tradition chinoise par suite de l’influence taoïste sur le chan qui allait devenir au Japon le zen.

On traduit souvent wu-wei par "non-agir", mais ce principe doit plutôt s’entendre comme l’action naturelle, spontanée, "sans rien d’inutile"...

Dans les arts martiaux, l’inutile c’est de résister par l’affrontement. On doit plutôt, tenter de vaincre sans combattre. Si l’adversaire fonce sur vous, plutôt que de vous opposer à son mouvement, de lui résister par l’affrontement, vous devez au contraire vous esquiver prestement tout en le tirant dans le sens où son mouvement l’entraîne déjà ; ce qui a pour effet de lui faire perdre l’équilibre. C’est le sens de wu-wei que suggère Lin-Yu-tang : "[...] le principe d’esquiver une force qui vient sur vous de sorte qu’elle ne puisse vous atteindre"... Mais ce principe, comme il le précise plus loin, trouve à s’appliquer à toutes les circonstances de la vie : dans "[...] l’art de maîtriser les circonstances sans leur opposer de résistance."

La "loi d’économie"

"La productivité, c’est l’art de faire le plus possible avec le moins possible, d’augmenter la production avec le même nombre de travailleurs, la même quantité de machines ou de matières premières. C’est en quelque sorte l’ingrédient de la vraie croissance."
Alain Dubuc

Ce principe de Musashi, "Ne rien faire d’inutile", évoque la "loi d’économie" de la systémique, que l’on peut ramener à la formule suivante : "Le plus petit input pour le plus grand output".

Le schéma suivant permet de se représenter un système quel qu’il soit :

CAUSE                      ACTION                EFFET
Input/intrant              Boîte noire             output/extrant

L’input représente tout ce qui entre dans un système, à savoir :

• énergie,
• ou information (messages),
• ou matière (grandeurs matérielles).

L’output, tout ce qui sort du système, après avoir subi une transformation dans la boîte noire, à savoir :

• énergie,
• ou information,
• ou matière.

Quant à la boîte noire, elle représente le fonctionnement interne du système qui conditionne, ou simplement transforme, un phénomène agissant dans l’input en un autre phénomène dans l’output. (Il faut comprendre que l’output est rarement de même nature que l’input : il peut entrer, par exemple, de la matière dans un système et en sortir de l’énergie, comme c’est le cas pour un véhicule moteur, etc.)

À ces trois fonctions s’en ajoute une autre : le feedback, parfois appelé en français "rétroaction", "boucle de retour" ou "effet de retour". C’est l’effet de réaction sur la cause, qui permet de réguler le fonctionnement du système. L’exemple le plus simple est celui du thermostat : dès que la température souhaitée est atteinte, le système ainsi régulé s’arrête, se met en veilleuse ou fonctionne au ralenti. Sans cette fonction, le système ou ce qui en dépend se trouve menacé.

La loi d’économie revient à optimiser le fonctionnement de l’ensemble du système, c’est-à-dire : le plus petit input pour le plus grand output en passant, dans la boîte noire, par l’action la plus efficace, nécessitant pour elle-même le moins d’énergie.

"Tout phénomène peut être considéré en tant que système, rappelle Joèl de Rosnay, dans la mesure où tout phénomène constitue un ensemble d’éléments en interaction." Une entreprise, une institution, un groupe social, est un système. De même un individu, car il reçoit de l’énergie, sous une forme ou sous une autre, qu’il conditionne ou transforme pour l’émettre, sous une forme ou sous une autre. Quelle que soit la nature du système, la loi d’économie trouve à s’appliquer. Elle permet d’en optimiser le fonctionnement en suggérant des interventions ponctuelles dans ses fonctions. "Rien d’inutile"...

La vision que suggère la systémique est même parfois fulgurante. C’est ainsi qu’à la lumière de la loi d’économie, les systèmes bureaucratiques apparaissent soudain dans toute leur aberration : à une étape de leur évolution, il entre dans de tels organismes plus de messages ou de quantités mesurables qu’il n’en sort, sans compter que la transformation absorbe à elle seule une bonne partie de l’énergie disponible ou produite. Il devient vite évident que l’objet réel de ces organismes, parvenus au stade entropique, n’est plus fonction du mandat qui leur a été confié mais se ramène à assurer leur propre survie en tant que système. C’est ici, bien sûr, un cas limite...

Fonctionnement individuel de ce point de vue : input – ce que je reçois (ou ce que j’ai reçu) de la société, des autres ; output – ce que je donne à la société, aux autres. Cet exercice permet d’évaluer, à partir du rapport entre l’input et l’output, son propre fonctionnement dans le monde : est-ce que je donne (moins, autant, plus) que je ne reçois (n’ai reçu jusqu’ici) ? Il permet de se voir plus objectivement, ce qui a souvent pour effet de stimuler la motivation et de renouveler l’engagement personnel, car on n’aime guère reconnaître que l’on reçoit (que l’on a reçu) davantage que l’on ne donne ! Du moins, les années d’adolescence passées.

Un principe de vie

"Aucun vain combat ne l’agite..."
Li Fêng Lao-jên

Ce vers du poète taoïste se rapporte au sage considéré ici comme le guerrier accompli.

La «loi d’économie» est aussi un principe de vie. Elle doit nous inspirer non seulement dans la gestion de nos entreprises mais aussi dans nos vies : nos attitudes, nos comportements. Devant une tâche à accomplir, nous devons nous demander comment y parvenir sans perte inutile d’énergie.

Le dernier des neuf principes de Musashi nous rappelle en effet que l’objet de la démarche est la sagesse, l’action n’étant dans la tradition du guerrier que le moyen d’y parvenir.

"Sur le chemin le plus long on avance pas à pas. Réfléchissez-y sans vous hâter. Prenez la pratique de ces règles pour fonction de samouraï. [...] "Forgez-vous par l’étude de mille jours et polissez-vous par l’étude de dix mille jours. Il faut bien y réfléchir."

samedi 18 mars 2023

Le rôle des émotions sur la Voie

En lien avec notre article sur le Religare...

Cosmogonie 

En principe, il n’y a que l’Unité, c’est-à-dire ni Lumière ni ténèbres. Pour une raison qu’on ignore, une partie de cette Unité se met en mouvement. Dès lors, la partie agitée prend le nom de Ténèbres (composées de Lumière agitée) et le reste perd le nom d’Unité pour prendre celui de Lumière (composée de Lumière immobile). 

« Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres… » (Genèse)

A partir de ce moment, car il y a un moment, le temps venant de naître en même temps que cette séparation, la Lumière exerce en permanence une pression sur les ténèbres (la force Sgoula des kabbalistes). Alors, s’enroulant sur elles-mêmes, elles se concentrent, créant une densité plus grande que l’environnement. La matière telle que nous la connaissons est née.

L’opposition entre les ténèbres (matière) et la Lumière (énergie) n’est donc qu’apparente.

Notons dès maintenant que la Lumière n’est pas la lumière physique et que le terme d’énergie ne peut être approprié non plus. De plus, il est intéressant de noter que dans de nombreuses cosmogonies, la Création commence toujours par une mise en mouvement. 

Voici ce qu’en dit la Kabbale par exemple, à travers son concept d'Eclair fulgurant. 


Le but

En tant qu’être humain, notre tâche est de transformer la matière en Lumière, ce qui est l’inverse du mouvement de la Création qui, elle, densifie la Lumière et la transforme en matière. En alchimie métallique, l’alchimiste va réaliser ce processus à l’aide d’éléments extérieurs, afin de méditer sur l’analogie avec son propre corps. Ce sont les voies sèche et humide. Mais il existe une 3ème voie : la voie royale, dans laquelle le Corps humain est lui-même le creuset de la Pierre.
 
Voyons si cette idée peut se retrouver dans l’Arbre, qui représente l’Adam Kadmon, l’Homme cosmique. Selon Annick de Souzenelle, l’Arbre est une représentation du corps humain.


De nouveau il y a concordance, le troisième Monde, Yetsirah, associé à l’âme, est le Monde de l’artisan et de l’ouvrage. Au niveau du corps physique, cela correspond au tronc abdomen/thorax. Rappelons également qu’Annick de Souzenelle y associe le terme de « forge ». Quant à la Sephirah Tiphereth…


Si l’on trace tous les Sentiers qui arrivent et partent de Tiphereth, on comprend mieux pourquoi les kabbalistes l’associent au terme « creuset ».
 
Tiphereth signifie « Beauté », plénitude. Au niveau du corps physique, c’est le cœur, le cerveau médian auquel est associé l’instant présent. Au niveau astrologique, c’est le soleil. On peut aussi y associer l’Être. Enfin, c’est dans le cœur spirituel qu’Isha Schwaller de Lubicz situe le SOI. On y associe également l’idée de Sacrifice (qui rend sacré), de la personne à l’Impersonnel, d’où l’idée de Service qui peut en découler.

Selon Patrick Burensteinas, l’alchimie est une dé-marche, elle vise l’arrêt quelque part… La quête de l’alchimie n’est pas celle du mouvement mais celle de l’immobilité, qui fait perdre la forme. Pourquoi perdre la forme ? Parce que c’est la forme qui est l’origine de la séparation, de la dualité : « …Il y eut un soir, il y eut un matin » (Genèse). Tant qu’il restera la forme, il y aura une différence.

Le but de la Voie est la réintégration dans l’Unité, à laquelle les kabbalistes associent les mots « Aïn Soph Aor ». P. B. les traduit par « la Lumière est la non-Forme » (Aïn : marque de la négation ; Soph : forme ; Aor ou Aour : Lumière). En ce sens, Lumière, Amour, Unité, sont des synonymes.
 
Rappelons que la forme est la conséquence de la mise en mouvement de la Lumière, à une agitation donc. P. B. associe l’agitation à l’âme et selon lui il s’agit donc de perdre cette agitation. Cependant il fait remarquer que si tout le monde est d’accord pour redevenir Lumière, la plupart souhaite le réaliser en restant eux-mêmes, en continuant à pouvoir penser en tant que « moi ». Mais il est impossible de retrouver l’Unité en gardant tel quel ce moi…

Il associe également le Souffre à l’âme (et le Sel au corps, le Mercure à l’esprit). Le souffre est ce qui nous agite, nos émotions. L’âme est le réservoir d’agitation que nous devons vider pour nous permettre de perce-voir l’Être.


Si la Voie devient ainsi une quête de l’immobilité, elle est également la quête de l’alignement.
En effet, remarquons que la seule différence entre du charbon et un diamant, est l’alignement des liaisons chimiques entre leurs atomes, de Carbone dans les deux cas. Pour le charbon, elles sont chaotiques, pour le diamant, elles sont droites. Quant à ce dernier, il laisse passer la lumière…


D’où la voie de la droiture, de la rectitude… Peut-être qu’au lieu de « s’asseoir à la droite de Dieu », s’agirait-il de comprendre que la Lumière n’entre dans un corps que s’il est droit…


Ce symbolisme se retrouve d’ailleurs chez les francs-maçons, qui se doivent de tailler leur pierre brute afin de la rendre cubique… Lorsque je le transpose dans l’Arbre, cela permet de mieux se rendre compte de la profondeur de Tiphereth, car le cube est inclus dans une sphère (Yetzirah ici), et Tiphreth est au centre de celui-ci.

Rappelons également que les Compagnons du devoir apprennent, lors de leur apprentissage, à inclure successivement un cube, un dodécaèdre, un icosaèdre et un tétraèdre, dans une sphère...

Comment opérer cet alignement ? Car tous les schémas ci-dessus sont le but à atteindre et non la réalité pour chacun lorsqu’on commence à cheminer sur la Voie.

Grâce aux émotions ! En effet l’émotion est l’indice de résistance au passage de la Lumière (Sgoula). Lorsque nous ressentons une émotion (une mise en mouvement), c’est que nous manquons d’alignement, et cela nous montre ce que nous devons transmuter en soi. C’est le même principe que pour des plaquettes de frein, qui transforment du cinétique en chaleur. Nous, il faut qu’on élimine le mouvement (pour perdre notre forme) et nous n’avons trouvé qu’un moyen, c’est l’émotion. A chaque fois qu’on exprime une émotion, on freine un peu (mais on chauffe aussi !) alors qu’à chaque fois qu’on fabrique une émotion, on accélère (d’où l’idée de ne pas laisser à l’émotion toute latitude, car ensuite on chauffera d’autant plus qu’on devra freiner fortement).
 
Notons que parfois on trouve quelqu’un qui a une âme pas trop pleine et on va vider son souffre à l’intérieur ; une fois cela fait ce ne sera plus à soi de s’en débarrasser mais à l’autre de le faire ! Ceci étant dit, chaque fois que l’on transmute une émotion, on se réaligne.

La purification de la matière s’opère donc en trois temps. Premièrement, il s’agit de la rendre immobile, c’est-à-dire lui faire perdre son agitation (décomposition de la matière, séparation du pur et de l’impur, recomposition du pur). Deuxièmement, la Lumière, partout à l’extérieur, peut entrer dans cette matière. Troisièmement, la Lumière détricote cette matière et la transforme en Lumière.

Il s’agit donc de créer un diamant en soi. Dans la nature, le processus est possible par la réunion de fortes chaleur et pression, à une certaine profondeur… Si l’on revient au schéma précédent, il s’agit de « descendre » dans la profondeur de la sphère pour trouver Tiphereth. Cela ne rappellerait-il pas le VITRIOL des alchimistes : « Visite l’Intérieur de la Terre, en te Rectifiant tu découvriras la pierre cachée ».

Ainsi il s’agit de créer les conditions en soi pour que le diamant se crée (la fameuse Forge qu’est le Quadrilatère). Alors il est possible d’atteindre le Point d’immobilité, qui est l’Esprit, le SOI.


L’âme est agitation, agitation qu’il s’agit de perdre, afin de perdre sa forme. L’esprit est ce point d’immobilité, au centre. Le corps, c’est la forme définie par le mouvement.

Notons qu’on retrouve un symbolisme similaire chez les rosicruciens, pour qui il s’agit de faire éclore la rose, au centre de la croix (crucifixion dans la matière). Annick de Souzenelle dira elle qu’il s’agit d’accepter les limitations du Quadrilatère (les contingences matérielles), tel un tombeau duquel ressusciter (mort du vieil homme, de la personne, afin d’atteindre l’Être impersonnel).

Conclusion

Les voies initiatiques sont des voies longues et difficiles. Elles sont conditionnées par notre résistance au passage de la Lumière. Mais ce n’est pas la Voie qui est difficile, c’est nous qui sommes opaques. Plus nous sommes complexes, plus la trajectoire est longue pour laisser passer la Lumière.

Or, plus je suis opaque, plus je fais résistance au passage de la Lumière, plus je suis lourd. Lorsque que quelque chose ne va pas, on dit que c’est grave, grave comme gravité, comme lourd. Quand on se sent bien, on se sent léger. Il y a un étrange rapport entre notre état d’être et cette qualité de pénétration de la Lumière.
 
Au final, tant que le corps n’est pas transformé en Lumière, il subit toujours une pression.

Puisque j’ai commencé par la cosmogonie, je terminerai par elle. Il est écrit que lorsque l’ange déchu, Lucifer (lux fero « porteur de la Lumière ») se révolta contre Dieu et quitta le Paradis, il a entraîné avec lui un tiers des anges… tiers que l’on retrouve dans le jeu de mot « l’âme à tiers » (la matière). Lucifer est ainsi la Lumière piégée à l’intérieur de la matière. C’est aussi le dragon que terrasse St Michel ou Mikaël (anagramme d’Alkémi, gardien de la voie de rectitude, « Lumière de Dieu »). Avec son épée flamboyante (ayant la forme de l’éclair fulgurant…) qui représente le Feu d’en haut, il perce la matière pour libérer le Feu d’en bas. Soit le dragon accepte de perdre sa forme, alors la réintégration est faite, soit il y a résistance au passage de la Lumière, et il est terrassé.

Arnau de Vilanova

 


Bibliographie non exhaustive...

* De la Matière à la Lumière - P. Burensteinas
* Le symbolisme du corps humain - A. de Souzenelle
* La lumière du chemin - I. S. de Lubicz
* Les étoiles de Compostelle - H. Vincenot

samedi 28 janvier 2023

Le Graal, une question pour notre temps

Partie 5 de l'Introduction de ce remarquable ouvrage...

Certains esprits pourraient s'étonner que la question du Graal, surgie au XIIe siècle, soit encore d'actualité au moment où l'humanité est confrontée à des bouleversements considérables et à des drames qui menacent sa survie même. En d'autres termes, le Graal est-il un sujet dépassé dans le monde technique et scientifique d'aujourd'hui ? Ou est-il au contraire de nature à redonner vie à la culture et à la spiritualité de notre époque dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles sont gravement malades ? 

Le temps qui s'annonce appelle une nouvelle Queste du Graal. Perceval est ici le symbole d'une élite de l'Esprit que nous avons qualifiée "d'humanité percevalienne". A bien des égards, le siècle qui s'avance sous nos pas est un siècle précurseur qui appelle des hommes et des femmes d'une trempe nouvelle, capables d'orienter la barque du monde par avis de tempête. L'homme est inachevé, et il est en marche vers l'Homme véritable qui est la clé de voûte du devenir de l'humanité.. Car c'est toujours l'Homme que l'on retrouve aux carrefours de l'Histoire. Il en est de notre époque comme d'un temps d'équinoxe, quand la mer se retire plus loin qu'à l'accoutumée, faisant apparaître des paysages jusqu'alors insoupçonnés, bouleversant les conditions climatiques aussi bien que culturelles de notre vie. De même que l'arbre chargé de fruits s'incline très bas, la Coupe du Graal est aujourd'hui appelée à s'incliner, pour nous dire qu'elle annonce un temps de déversement spirituel et une ère nouvelle de Vérité bouleversante.

Bien des esprits lucides ne cessent d'attirer notre attention sur les risques encourus par notre civilisation scientifique et technique, si prodigieuse au demeurant et riche de promesses, mais qui laisse en jachère la dimension humaine et spirituelle de la vie. Notre époque doit comprendre que la connaissance véritable s'accomplit dans l'Amour. L'équilibre entre les moyens matériels et les forces de sagesse est aujourd'hui profondément compromis, faisant courir un risque majeur à notre civilisation si brillante par ailleurs. L'homme contemporain, quand il ne manque pas de tout, vit encombré dans un désert d'objets, absent de lui-même et suffocant sous le poids de la matérialité. Aussi notre époque appelle-t-elle l'union de la science et de la conscience, du temporel et du spirituel dans une unité plus haute qui est celle du Temple éternel à venir. Perceval est un héros contemporain, car il veut comprendre le sens de la vie et prendre son destin en mains au travers des épreuves d'enfantement de la terre qui sont celles de l'âme et de l'esprit avant d'être celles du corps.

L'humanité se trouve aujourd'hui rendue devant un seuil qui appelle un renouveau culturel et spirituel dans tous les domaines de la vie. Plus que jamais, l'homme tient entre ses mains les moyens de sa destruction. A-t-il également les moyens de sa survie ? C'est dans une élévation du niveau de conscience de l'homme que réside assurément l'avenir de l'humanité. Dans cette perspective, la Connaissance vivante, que l'on appelle Graal, ou encore la Gnose, supérieure à la foi simple et à la raison seule, constitue le fil d'Ariane pouvant conduire l'homme jusqu'au port du salut. Il revient ainsi à l'homme de dire s'il est aujourd'hui en mesure de prononcer la Question qui ne fut point posée au cœur du Moyen Âge, et qui est une question pour notre temps. Tel est le sens de notre ouvrage.

samedi 21 janvier 2023

la Chevalerie du Graal


Qu’est-ce que l’idée-force de Chevalerie ?

Nous ne parlons absolument pas du point de vue historique, mais au point de vue de l’impact de l’idée dans l’inconscient de l’humanité : la Chevalerie est un idéal, un but à atteindre. Elle l’a toujours été, sous différents noms, dans l’humanité. Nous parlons, bien entendu, de la Chevalerie au sens noble et mystique du mot. Le chevalier est un être qui s’engage pour une cause, qui combat pour un idéal, qui donne sa vie pour les autres en s’oubliant soi-même. Et l’Egrégore est constitué par les êtres qui poursuivent le même idéal et combattent pour cet idéal.

Les chevaleries ont commencé par combattre pour un idéal mystique, pour finalement constituer une force sur le plan manifesté, qui restait peut-être teintée de cet idéal mais qui travaillait davantage pour une conquête que pour une quête.

Il y eut, au cours des âges, des chevaleries (par exemple, la chevalerie du Temple) qui se sont constituées pour servir un but spirituel mais qui, par la suite, ont développé une puissance matérielle, temporelle qui, justement, les a perdues.

La Chevalerie du Très Saint Graal est avant tout une idée-force. Et c’est pour cela que, dans l’inconscient collectif, elle symbolise un idéal presque inaccessible. Il y eut le mythe du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde, leur épopées, leurs épreuves ; mais il n’y a jamais eu, sur le plan temporel, une Chevalerie du Graal puisque le Graal est l’idéal suprême à atteindre.

La Tradition dit que le Graal est cette coupe où a été recueilli le sang du Christ. Le Graal conquis enlève la condition humaine pour la remplacer par la filiation divine. Et c’est pourquoi un égrégore temporel de chevaliers du Graal n’a jamais existé jusqu’à aujourd’hui puisque l’Homme de la chute n’a jamais pu reconquérir son héritage divin et redevenir l’Homme fait à l’image de Dieu où le sang divin, le Sang-Lumière a remplacé le sang humain.

Il existe, dans les plans subtils, un Egrégore immortel de la Chevalerie du Très Saint Graal. La légende du roi Arthur dit que le Graal conquis par le plus pur chevalier – Perceval ou Galaad, suivant le récit – a emmené le héros hors du plan terrestre, parce que, justement, jusqu’à présent, le Graal, c’est-à-dire la filiation divine, l’Homme fait à l’image de Dieu, ne pouvait pas vibrer et vivre sur le plan terrestre.

Mais beaucoup d’êtres, même s’ils ne savaient pas ce qu’ils cherchaient, même s’ils ne donnaient pas le nom de Graal à l’objet de leur quête, beaucoup d’êtres ont cherché le Graal. Ils ont voulu se transformer. Car la bataille du chevalier parti à la quête du Graal est avant tout une bataille intérieure, une transformation alchimique. Beaucoup d’êtres ont compris cela, tout au long des siècles et des siècles. Ils ont voulu se transformer, ils ont voulu donner tout leur être au Divin. Ils ont donné leur vie pour la Lumière. Ils ont été les « Agneaux de Dieu ».

« Les Agneaux de Dieu » ne signifie pas qu’ils n’étaient pas des combattants, des chevaliers. L’Agneau de Dieu combat. Il combat soit en sacrifice pour son idéal, pour ses frères, pour l’humanité, soit en donnant tout ce qui l’attache à la Terre, tout ce qui n’est pas la filiation divine, en le donnant, en le transformant pour la Lumière. L’Agneau de Dieu est un chevalier parce qu’il a choisi la route du don et de l’offrande au Divin. Il est sorti du troupeau des tièdes. Il a fait un choix et, pour ce choix, il a donné sa vie, que ce soit sa vie physique, pour ne pas se renier, ou sa vie psychique, pour se transformer.

Et tous ces êtres, tous ces chevaliers, tous ces Agneaux de Dieu, tous ceux qui ont conquis le Graal mais dans les autres plans, aident maintenant – comme les Maîtres, comme les Hiérarchies – tous ceux qui veulent partir à la quête et qui, sans même le savoir, parce qu’ils sont mus, justement, par cet amour pour leurs frères, sont poussés à sauver la Terre, se sentent appelés pour qu’à cette ère nouvelle il y ait la transformation de l’Homme de la chute en Homme divin. Tous les êtres, sur toute la Terre, qui ont cet idéal, cette idée-force, ce don, sont aidés par la Chevalerie du Très Saint Graal, par ces Agneaux de Dieu, ces alchimistes qui ont déjà accompli en eux-mêmes – ou essayé d’accomplir – le Grand Œuvre.

Voilà ce qu’est la Chevalerie du Très Saint Graal.

Si à l’ère nouvelle, de plus en plus d’êtres comprennent cette initiation nouvelle, si de plus en plus d’êtres, recevant en eux leurs Corps d’Eternité, vivent dans ce Sang-Lumière, il y aura la possibilité, pour cette chevalerie, de vivre, de s’exprimer sur le plan manifesté, pour que de tous les horizons arrivent ces bâtisseurs de l’ère nouvelle, pour qu’il y ait cette Chevalerie partie à la quête du Graal et qui, par la transformation, l’aura enfin conquis sur la Terre. Et lorsque vous appellerez à votre aide cette Chevalerie du Très Saint Graal, lorsque vous commencerez à être un chevalier et que vous partirez à la quête de votre réalité divine, cette Chevalerie du Très Saint Graal vous aidera, vous répondra, et vous serez le maillon actif d’une chaîne immense qui peut changer l’humanité.

Il faut que vous compreniez, lorsque vous commencerez cette initiation du Verseau, que vous allez, par votre transformation, rendre le Graal à la Terre. Et cela est la plus grande idée qui puisse être proposée, car c’est le but final de l’évolution.

Qu’est un égrégore originel ? (à ne pas confondre avec l'égrégore humain)

Un égrégore est constitué par des êtres qui ont un but commun, une pensée commune, une action com­mune et développent ainsi une même énergie.

Un égrégore peut être constitué par des êtres se réunissant pour un but matériel (un égrégore politique, un égrégore sportif), il peut être constitué par des êtres ayant le même idéal (un égrégore d’action humanitaire, religieux, scientifique) mais la grande différence qui réside entre les égrégores, c’est le niveau vibratoire qu’ils atteignent dans les plans hors de la matière, dans les plans psychiques ou dans les plans subtils. Seuls des égrégores où existe l’énergie du don, l’énergie de l’action pour le Divin, sont appelés des égrégores immortels parce qu’ils persistent en tant qu’énergie subtile dans les plans subtils, même s’ils n’existent plus sur le plan manifesté.

Souvent, des êtres qui se réunissent en pensant qu’ils font partie d’égrégores immortels ne sont pas reliés à ces plans subtils parce qu’ils n’ont pas assez l’énergie du don. Ceci est très important à comprendre : seuls peuvent atteindre ces grands égrégores immortels les êtres qui ne sont animés que par le service du Divin et la recherche de la Lumière.

Et le grand but, pour tous ces égrégores qui portent des noms d’égrégores immortels (par exemple : Templiers, Druides, Cathares, Rose-Croix...), c’est d’atteindre ce plan vibratoire que rien ne peut rejoindre que le don.

Ce qui veut dire que beaucoup d’égrégores qui se prétendent reliés à la Chevalerie ne le sont pas s’ils poursuivent un autre but que celui du total service et de l’offrande au Divin.

En ce qui concerne l’égrégore immortel de la Chevalerie du Graal, qui vibre sur le plan invisible de la Lumière spirituelle, la seule condition pour l’atteindre et recevoir son aide est de se sentir intérieurement un chevalier, ayant fixé comme essentiel dans sa vie la quête de son Être divin.

Pour cela, il n’est pas nécessaire de faire partie d’un mouvement, d’un groupe ou d’une fraternité. Il est utile que les êtres poursuivant le même but et la même quête se réunissent, pour atteindre ensemble le plan subtil de l’idée-force, mais ce n’est pas une obligation : on peut très bien être un Chevalier relié à la Chevalerie, même si l’on travaille seul.

L’idée-force de la Chevalerie du Graal n’est pas de créer un égrégore dans le manifesté, dirigé par des êtres incarnés. L’idée-force de la Chevalerie du Graal est que de plus en plus d’êtres sur la Terre se relient à l’égrégore immortel.

Anna Schakina

mercredi 4 janvier 2023

Les 4 accords toltèques


Je vous propose ici une synthèse du fameux livre "Les 4 accords toltèques", dont on ne retient généralement que les 4 accords en question, mais dont le sujet est 
en réalité bien plus global... Et pour commencer :

Qui sont les Toltèques ?


Il y a des milliers d'années, à travers tout le sud du Mexique, les Toltèques étaient connus comme des femmes et des hommes de connaissance. Les anthropologues les ont décrits comme une nation ou une race, mais en réalité c'était des scientifiques et des artistes formant une société vouée à explorer et préserver la connaissance spirituelle et les pratiques des Anciens. Maitres (naguals) et étudiants se réunissaient à Teotihuacan, l'ancienne citée des pyramides située au-delà de Mexico Ciudad, connue comme le lieu où "l'Homme devient Dieu".

La conquête européenne couplée à l'abus de pouvoir personnel de quelques apprentis, rendit nécessaire de protéger la connaissance de ceux qui n'étaient pas préparés à l'utiliser avec discernement ou qui risquaient d'en user de manière abusive, à des fins personnelles (cf. Atlantide).

Mais la connaissance ésotérique des Toltèques s'est transmise et incarnée au fil des générations à travers diverses lignées de naguals. Bien qu'elle soit restée dans le secret durant des centaines d'années, les prophéties anciennes avaient annoncé la venue d'un Age au cours duquel il serait nécessaire de redonner cette sagesse à tous. La connaissance Toltèque émerge de la même unité de vérité que les traditions ésotériques du monde entier. Bien qu'elle ne soit pas une religion, elle honore tous les maîtres spirituels qui ont enseigné sur Terre. Et bien qu'elle comprenne une dimension spirituelle, elle se décrit plus justement comme étant un mode de vie.

Le rêve de la planète

Les humains rêvent en permanence. Rêver est la fonction principale de notre esprit qui fait cela vingt-quatre heures par jour, le cerveau éveillé.

Avant notre naissance, les humains nous précédant ont créé un grand rêve extérieur que l'on appelle le rêve de la planète. Ce rêve collectif est constitué des milliards de rêves personnels de toute l'humanité. Il comprend toutes les règles de la société : ses croyances, ses religions, ses différentes cultures et modes de vie, ses gouvernements, ses écoles, ses évènements sociaux.

Nous naissons avec la capacité d'apprendre comment rêver, et les humains qui nous précèdent nous apprennent à le faire de la façon dont rêve la société.

Le rêve de la planète a tellement de règles que lorsqu'un nouvel humain naît, on capte son attention (la capacité d'être sélectif et de se concentrer exclusivement sur ce que l'on veut percevoir) et on introduit ces règles dans son esprit, grâce en premier lieu à la famille et à l'école.

En nous servant de notre attention nous avons assimilé toute une réalité, tout un rêve. Nous avons appris à comment nous comporter en société : que croire et ne pas croire, ce qui est bon ou mauvais, beau ou laid, juste ou faux.

Toutes ces règles, tous ces concepts, étaient là avant notre naissance : nous n'avons pas eu la possibilité de choisir nos croyances sinon de donner notre accord à l'information qui nous était transmise sur le rêve de la planète. Nous conservons l'information en étant d'accord avec elle.

Et notre foi est si forte que le système de croyance contrôle tout le rêve de notre vie. Nous avons beau nous rebeller plus ou moins timidement lorsque la vision inculquée ne nous plaît pas, le rêve ambiant et l'éducation par répétition que l'on reçoit nous maintiennent dans une perception du monde qui est celle du rêve de la planète ; nous ne sommes pas alors assez forts pour maintenir un autre rêve. 

Nous avons été domestiqués.

Le processus de domestication

Cette domestication utilise un système de punitions et de récompenses. Chaque fois que nous enfreignions les règles nous étions punis ; lorsque nous les respections, on nous récompensait. Bientôt nous avons commencé à avoir peur d'être puni ou de ne pas obtenir de récompense, celle-ci consistant à d'abord obtenir l'attention positive de ceux que l'on aimait. Et ainsi nous nous sommes mis à prétendre être qui nous n'étions pas, juste pour faire plaisir aux autres, pour paraitre assez bien à leurs yeux. Cette peur est ensuite devenue celle de ne pas être comme il faut, assez bon.

Toutes nos tendances naturelles se sont perdues au cours de ce processus, et lorsque nous avons commencé à comprendre, à nous rebeller et dire non pour défendre notre liberté, être nous-même, nous n'avons pu être assez forts pour lutter contre le puissant phénomène de coercition de ce rêve collectif. Devenus adultes nous sommes en réalité devenus nos propres dresseurs qui, à l'aide du juge et de la victime intérieurs, continuent ce même système de punition et de récompense.

Ce système de croyance est comme un Livre de la Loi qui juge toute chose et chacun, y compris le temps et le chien du voisin, mais surtout nous-même. Ce Livre est constitué des milliers d'accords, la plupart du temps désormais inconscients, que nous avons passé et que nous passons avec la société et nous-même. Et ce juge est tyrannique, il nous juge coupable plusieurs fois par jour, toute notre vie, chaque fois que nous pensons ne pas coller à l'image de ce que nous devrions être ou penser selon le Livre de ce rêve, devenu le nôtre. Bien sûr nous nous rebellons, nous sentons que quelque chose cloche, mais très vite les autres participants de ce rêve, la société, nous rappellent à l'ordre, concrètement ou implicitement, et cela est si puissant que lorsque nous percevons que nous allons à l'encontre du Livre, nous sentons cette étrange sensation au niveau du plexus solaire qui n'est autre que de la peur, celle de contrevenir ou de ne pas être accepté, aimé.

Si l'on regarde la société humaine on constate que la raison pour laquelle il est si difficile d'y vivre est qu'elle est régie par la peur qui crée souffrance, colère, vengeance, violence et une profonde injustice ; à différents niveaux la peur contrôle tout le rêve de la planète. Les religions disent que l'enfer est un lieu de punitions, de peur, de douleur, un lieu où le feu brûle ? Mais à chaque fois que l'on ressent de la colère, de la jalousie, de l'envie ou de la haine, on sent un feu qui brûle en nous : on vit un rêve d'enfer.

Toute l'humanité cherche la vérité mais nous sommes aveugles à celle-ci en raison des fausses croyances qui encombrent notre esprit. Nous vivons dans un brouillard, un brouillard qui n'est même pas réel, qui n'est qu'un rêve, le rêve de notre vie personnelle : ce que nous croyons, tous les concepts concernant qui nous sommes, tous les accords passés avec autrui et nous-même. Les Toltèques appellent ce brouillard mitote, en Inde on l'appelle maya. Ce rêve n'est pas agréable à vivre, même si nous n'en avons parfois même pas conscience, il ne nous permet pas d'exprimer qui l'on veut vraiment être, il nous fait produire sans cesse du poison émotionnel contre nous et contre les autres. Mais personne ne nous maltraite autant que nous-même le faisons.

Prendre le risque d'être vivant et d'exprimer qui l'on est vraiment est devenu notre plus grande peur. Etre simplement soi-même, voilà ce que l'on redoute le plus.

Le chemin du guerrier

Il faut beaucoup de courage pour remettre en question ses propres croyances, pour quitter le sentiment de sécurité qui procure le Livre de la Loi et pour finalement vivre l'expérience d'être libre.

Chacun d'entre nous est né avec une certaine quantité de pouvoir personnel que nous reconstruisons chaque jour en nous reposant. Sur les milliers d'accords que nous avons conclus, ceux fondés ou dérivés de la peur nous font dépenser énormément d'énergie. De plus presque tout notre pouvoir sert à respecter les accords qui nous maintiennent dans le rêve de la planète.

Il est pourtant possible de rompre ces accords et de vivre selon un autre paradigme, économiseur d'énergie. Il existe quatre accords toltèques très puissants qui aident à rompre les accords nous vidant de notre pouvoir. Chaque fois que nous rompons un accord, tout le pouvoir que nous avons mis à le créer nous revient.

La pratique de ces quatre accords permet à terme d'économiser assez de pouvoir pour changer toute la structure de nos accords et ainsi de créer un rêve nous permettant d'expérimenter pleinement notre nature profonde...

Le premier accord toltèque

C'est le plus important et aussi le plus difficile à honorer. A lui seul il permet de transcender notre vie. Le premier accord est : que votre parole soit impeccable.

Notre parole est notre pouvoir créateur, c'est par elle que nous manifestons les choses. Ce dont nous rêvons, sentons, qui nous sommes vraiment, notre intention, se manifestent par notre parole.

La parole n'est pas seulement un son ou un symbole écrit, c'est une force. Elle est notre outil le plus puissant en tant qu'être humain, c'est un instrument magique qui fait de nous des magiciens.

L'un de ses tranchants est son mauvais usage, qui peut concrétiser l'enfer ; l'autre est son usage impeccable, qui crée la beauté, l'amour et le paradis sur Terre. Selon comment on l'utilise elle peut nous libérer ou nous asservir plus que nous pouvons l'imaginer. Notre parole est de la magie pure et son mauvais usage de la magie noire.

Or l'esprit humain est une terre très fertile dans laquelle des graines sont continuellement semées : des opinions, des idées, des concepts. Seulement il s'avère qu'elle soit souvent très fertile pour les semences de la peur et beaucoup moins pour celles de l'amour.

Une peur, un doute semé dans notre esprit peuvent créer une succession dramatique d'évènements. Un seul mot est comme un sort et souvent les humains utilisent la parole comme des magiciens noirs, se jetant en toute inconscience des sorts les uns contre les autres.

Au cours de notre domestication, on a émis des opinions sur nous, sans même y réfléchir. Nous avons cru ces opinions et vécu dans la peur qu'elles suscitaient. Quelqu'un exprime une opinion négative à une personne, celle-ci y croit et elle grandit avec cette opinion d'elle-même, peu important si cette opinion était juste ou non : tant qu'elle est d'accord avec celle-ci, elle subira l'influence de ce sort.

Si elle réussit à capter notre attention, une parole peut pénétrer notre esprit et changer toute une croyance, en mieux ou en pire.

Le mauvais usage de la puissance de la parole crée l'enfer : on l'utilise pour médire, pour critiquer, pour culpabiliser, pour détruire. Parfois on l'utilise de la bonne manière mais pas souvent. On l'utilise surtout pour répandre du poison émotionnel, pour exprimer la colère, la jalousie, l'envie et la haine. On planifie sa revanche, on crée le chaos par la parole ; on se sert des mots pour attiser la haine et ainsi nous créons et perpétuons un cauchemar d'enfer. On se maintient ainsi les uns les autres au fond du gouffre, dans un état de peur et de doute ("la misère aime la compagnie"...) ; nous pratiquons la magie noire en permanence sans réaliser le moins du monde que notre parole est magique.

Un exemple serait cette mère qui rentre exténuée le soir de son travail et qui retrouve sa fille chantant et sautant joyeusement, vivant dans son propre rêve. Très vite en colère, elle lui dit : "Tais-toi ! Tu as une voix horrible. Peux-tu simplement te taire ?!" Sa voix n'était pas horrible mais elle a cru ce que sa mère lui avait dit et a conclu un accord avec elle-même. Après cela elle n'a jamais plus chanté, elle devint timide et même parler aux autres lui devint difficile : elle crut qu'elle devait réprimer ses émotions pour être acceptée et aimée. Elle développa tout un complexe à cause d'un seul sort qui lui avait été jeté par celle qui l'aimait le plus : sa propre mère. On ne peut blâmer celle-ci, elle a agi comme on avait agi envers elle-même, de diverses manières. Combien de fois agit-on ainsi avec ceux que l'on aime le plus ? Ce genre de sort est difficile à briser, seul conclure un nouvel accord permet de le rompre.

Si l'on observe les interactions quotidiennes des Hommes, on se rend vite compte que nous nous jetons des sorts en permanence. Cette façon d'agir a fini par devenir la pire forme de magie noire : la médisance et la propagation de rumeurs. Nous avons appris cette manière de communiquer de nos aînés qui accompagnaient leurs opinions de poison émotionnel pur.

Si l'on compare l'esprit humain à un ordinateur, une opinion négative est l'équivalent d'un virus informatique. Ce genre de virus est une séquence informatique écrite dans le même langage que les autres codes mais avec une intention négative. Ce code est inséré dans le programme de notre ordinateur quand nous nous y attendons le moins et généralement sans même que nous en soyons conscients. Et notre ordinateur ne fonctionne plus correctement voir même plus du tout.

Un petit bout d'information mensongère peut détruire la communication entre deux êtres, infectant chaque personne qu'il rencontre et la rendant à son tour contagieuse. Chaque virus introduit dans notre esprit assombre un peu plus la clarté de celui-ci. A l'échelle de l'humanité, le résultat est un monde rempli d'individus ne pouvant lire l'information qu'à travers des circuits encrassés par des virus empoisonnés et contagieux. Ce qui en résulte est le mitote en notre esprit.

Pire, certains propagent délibérément des virus. En grandissant on apprend à calculer soigneusement ses efforts pour détruire autrui et on se justifie en voyant le monde à travers les yeux de ce virus. Le mauvais usage de la parole nous enfonce chaque fois un peu plus profondément en enfer.

Le mot impeccable signifie "sans péché", le pêché étant ce que nous commettons contre nous-même. Etre impeccable c'est donc ne rien faire contre soi-même, c'est assumer la responsabilité de nos actions mais sans jugement ni critique. Cela n'est donc pas une affaire de morale religieuse mais une affaire de bon sens. Pour que notre parole soit impeccable il ne faut donc pas l'utiliser contre soi-même, or en envoyant du poison émotionnel contre autrui, on utilise la parole contre soi-même, ce qui nous tue à petit feu aussi sûrement que lorsqu'on l'utilise directement contre nous.

Avoir une parole impeccable, c'est faire bon usage de son énergie, c'est manifester la vérité en nous et c'est nettoyer tout le poison émotionnel subsistant en nous. La vérité est ce qu'il y a de plus important si l'on veut que sa parole soit impeccable, vérité envers soi-même également. Seule celle-ci a le pouvoir de rompre les sorts, seule celle-ci nous affranchira.

Le deuxième accord toltèque

Quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle.
Nous faisons une affaire personnelle de ce qui nous est dit parce que nous y donnons notre accord. Dès lors le poison s'infiltre en nous et nous sommes piégés en enfer. La raison pour laquelle nous nous faisons piéger est ce que l'on appelle l'importance personnelle, c'est à dire l'importance que l'on se donne. S'accorder de l'importance, se prendre au sérieux, ou faire de tout une affaire personnelle, voilà la plus grande manifestation d'égoïsme, puisque nous partons du principe que tout ce qui arrive nous concerne.

Nous ne sommes aucunement responsables de ce que les autres font. Leurs actions dépendent d'eux-mêmes. Chacun vit dans son propre rêve, dans sa propre tête ; chacun est dans un monde totalement différent de celui dans lequel nous vivons. Lorsque nous faisons de tout une affaire personnelle, nous partons du principe que l'autre sait ce qu'il y a dans notre monde, et nous essayons d'opposer notre monde au leur.

Même lorsqu'une situation paraît très personnelle (si on nous insulte par exemple), cela n'a rien à voir avec nous. Ce que les gens disent, ce qu'ils font et les opinions qu'ils émettent dépendent seulement des accords qu'ils ont conclus dans leur propre esprit. Cette personne en particulier qui nous a insulté est en vérité confrontée à ses propres sentiments, croyances et opinions. Elle essaie de vous envoyer du poison et si nous en faisons une affaire personnelle, alors nous le recevons et nous l'approprions.

En faisant une affaire personnelle de tout ce qui nous arrive, nous devenons une proie facile pour tous les prédateurs, tous ceux qui pratiquent la magie noire - à leur insu - par leur parole. Nous ingurgitons toutes leurs ordures émotionnelles qui deviennent alors les nôtres. Nous nous sentons offensé et notre réaction consiste à défendre nos croyances, ce qui provoque des conflits car nous avons besoin d'avoir raison et de donner tort à autrui, nous avons besoin d'imposer notre opinion.

Peu importe ce que les gens peuvent penser de nous, n'en faisons pas une affaire personnelle. Qu'on nous dise que nous sommes le meilleur ou qu'on nous dise qu'on est le pire des monstres, dans un cas comme dans l'autre, cela ne doit pas nous affecter parce que nous devons savoir qui nous sommes. Nous n'avons pas à être acceptés. Quoique les autres pensent de nous, cela ne concerne pas notre personne, mais eux-mêmes.

Si nous n'avons pas peur, si nous aimons, la colère, la haine, la jalousie ou la tristesse n'ont aucune place en nous. Sans ces émotions négatives et heureux des accords conclus dans notre vie, nous appréciant tel que l'on est, nous pouvons alors vivre dans un état de paix, de bonheur où nous faisons l'amour avec tout ce que nous percevons.

Ne rien prendre de manière personnelle car même les opinions que nous avons sur nous ne sont pas nécessairement vraies et rien ne nous oblige à réagir personnellement à ce qu'on se dit soi-même. La contradiction qu'il y a entre beaucoup de nos accords entretient nos conflits intérieurs mais en faisant l'inventaire de ceux-ci, nous pouvons mettre de l'ordre dans ce chaos.

Les humains ont tous un certain degré de dépendance à un certain niveau de souffrance et nous nous encourageons les uns les autres à entretenir ces dépendances. De plus nous attirons à nous ce qui va justifier les accords conclus avec nous-même et la vie... Nous devons de plus en plus nous aimer et nous faire confiance.

Cela peut aussi changer la perception de comment sont les gens ; celui qui agit négativement le fait parce qu'il a peur, et si on nous ment c'est que cela peut être douloureux de retirer son masque social.

Certes accepter la vérité sur quelque chose ou quelqu'un peut s'avérer douloureux, mais il n'est pas nécessaire de s'attacher à cette douleur, la guérison étant déjà en chemin. Si quelqu'un nous traite sans amour ni respect, prenons comme un cadeau qu'il nous quitte un jour, ne le retenons pas même si la séparation peut être douloureuse pendant quelques temps. Enfin en choisissant ce que nous voulons, il apparaît que nous avons beaucoup moins besoin de faire confiance aux autres qu'à notre propre capacité à faire de bons choix. En prenant l'habitude de ne rien prendre personnellement, en rompant, petit accord par petit accord, les nombreuses habitudes et routines qui nous piègent dans le rêve de l'enfer et nous provoquent des souffrances inutiles, on ne peut plus chuter. Nous devenons immunisés contre les magiciens noirs et alors une immense liberté nous échoit.

Le troisième accord toltèque

Ne faites pas de suppositions. Nous avons tendance à faire des suppositions à propos de tout. Le problème est que nous croyons ensuite qu'elles sont vraies ; nous serions prêts à jurer qu'elles le sont.

Nous faisons des suppositions sur ce que les autres font ou pensent, forts de quoi nous en faisons une affaire personnelle, puis nous leur en voulons et nous leur communiquons du poison émotionnel par nos propos, sur la base de ces suppositions.

Beaucoup de tristesse et de drames proviennent de cette habitude de faire des suppositions, de prêter des intentions à autrui et de prendre les choses personnellement.

Comme on a peur de demander des explications, on imagine, puis on se défend et on donne tort à l'autre. Or le mitote de l'esprit humain nous conduit à tout comprendre et interpréter de travers. On ne voit et entend que ce que l'on veut voir et entendre. On prend l'habitude de rêver sans lien avec la réalité ; on se crée des scenarii imaginaires qui n'existent que dans notre rêve personnel.

Faire des suppositions à propos de nos relations est le moyen le plus sûr de produire du poison émotionnel. Nous supposons par exemple que notre partenaire sait ce que nous voulons et nous croyons de pas avoir besoin de le lui dire. Nous pensons qu'il va faire ce que nous désirons, parce qu'il nous connaît bien. Et s'il ne le fait pas, nous lui reprochons : tu aurais dû le savoir.

Il est très intéressant de voir comment l'esprit humain fonctionne. Nous avons besoin de tout justifier, de tout expliquer, de tout comprendre, afin de nous rassurer. Il y a des millions de questions auxquelles nous cherchons les réponses, car il y a tant de choses que notre esprit rationnel ne peut expliquer. Peu importe que la réponse soit correcte ; le seul fait de trouver une réponse nous rassure. C'est pour cela que nous faisons des suppositions.

Les gens nous disent une chose : nous faisons des suppositions sur ce que sont leurs intentions. Ils ne nous disent rien ? Nous faisons alors d'autres suppositions destinées à combler notre besoin de savoir et à remplacer celui de communiquer. Même lorsqu'on ne comprend pas, on fait des suppositions sur ce que cela signifie puis on les croit. Nous n'avons pas le courage de poser des questions.

La plupart du temps ces suppositions sont effectuées très vite et inconsciemment, parce que nos accords nous incitent à communiquer de cette manière. L'un d'entre eux stipule qu'il est dangereux de poser des questions ; un autre dit que si les autres nous aiment, ils doivent savoir ce que nous voulons et comment nous nous sentons. Et du moment qu'on croit quelque chose, on part du principe qu'on a raison, au point qu'on est prêt à détruire une relation pour défendre sa position.

Nous supposons que tout le monde voit la vie comme nous la voyons, que les autres pensent et ressentent comme nous pensons et ressentons, qu'ils jugent comme nous jugeons. C'est la raison pour laquelle nous craignons d'être nous-même avec les autres car nous pensons qu'ils vont nous juger, nous maltraiter et nous critiquer comme nous le faisons nous-même.

On fait également des suppositions sur soi-même, ce qui provoque beaucoup de conflits intérieurs (je suis / je ne suis pas, capable de...). On se surestime ou sous-estime tout le temps car nous ne prenons pas le temps de nous poser des questions et d'y répondre. Peut-être devons-nous arrêter de nous mentir aussi sur ce que nous voulons vraiment.

Le meilleur moyen de nous empêcher de faire des suppositions est donc de poser des questions. Vérifions que nos communications soient claires. Utilisons notre choix pour demander ce que nous voulons. Chacun à le droit de dire oui ou non et nous-même avons le droit de demander. Voici ce que je veux, voilà ce que vous voulez.

Communicant ainsi, notre parole devient impeccable. La communication entre humains est une problématique fondamentale pour l'avenir de la société. Amener à la conscience et comprendre l'importance de cet accord est le premier pas, le mettre en action est ce qui fera ensuite la différence, par une pratique quotidienne. Modifier notre rêve amène la magie dans notre vie, l'esprit se meut alors librement en nous et appelle la maîtrise de l'Intention, de l'Amour.

C'est le but des Toltèques, c'est le chemin menant à la liberté.

Le quatrième accord toltèque

Il ne reste plus qu'un seul accord, mais c'est celui qui transforme progressivement les trois autres en habitudes solidement ancrées en nous. Le 4ème accord concerne l'application des trois premiers : faites toujours de votre mieux.

Quelles que soient les circonstances, faire toujours de notre mieux, ni plus, ni moins. Mais rappelez-vous que notre mieux ne sera jamais le même d'une fois à l'autre. Tout est vivant, tout change constamment, par conséquent notre mieux sera parfois à un haut niveau et d'autres fois à un moins bon niveau. Il sera différent selon que nous sommes en bonne santé ou malade, sobre ou ivre ; en pleine forme et heureux ou irrité, en colère, ou encore jaloux.

Selon notre humeur, notre mieux peut changer d'un instant à l'autre, d'une heure à la suivante, d'un jour au lendemain. Il évoluera aussi au fil du temps.

Indépendamment de toute évaluation qualitative, continuons à faire de notre mieux : ni plus ni moins. Si nous nous acharnons à vouloir faire davantage que notre mieux, nous dépenserons plus d'énergie qu'il n'en faut et en fin de compte notre mieux s'avérera insuffisant. Lorsque nous en faisons trop, nous nous vidons de notre énergie et nous agissons contre nous-même, avec pour conséquence qu'il nous faut davantage de temps pour atteindre notre but. Mais si nous faisons moins que notre mieux, nous nous exposons aux frustrations, au jugement personnel, à la culpabilité et aux regrets.

Faisons donc simplement de notre mieux, quelles que soient les circonstances de notre vie. Peu importe que nous soyons fatigués ou malade, si nous faisons toujours de notre mieux, il nous est impossible de nous juger. Et si nous ne nous jugeons pas, il n'est pas possible de subir la culpabilité, la honte ou l'autopunition. En faisant toujours de notre mieux, nous romprons un grand sort auquel nous avons été soumis.

Si nous faisons de notre mieux, nous vivrons notre existence intensément. Lorsque nous faisons de notre mieux, nous passons à l'action. Faire de notre mieux signifie agir parce que nous en avons envie, et non parce que nous attendons une quelconque récompense. Faire l'inverse ne permet pas d'agir de son mieux car alors on fait de la résistance.

L'histoire de Forrest Gump en fournit un bon exemple. Il n'avait pas de grandes idées, mais il passait tout de suite à l'acte. Il était heureux parce qu'il faisait toujours de son mieux, quelle que fut son activité. Il a été richement récompensé alors qu'il n'attendait rien.

Agir c'est être vivant. C'est prendre le risque de sortir de notre coquille et d'exprimer notre rêve. Ceci n'étant pas la même chose que d'imposer son rêve. Faire de son mieux peut devenir un rituel dans notre vie si tel est notre choix.

La meilleure façon de dire Je t'aime, mon Dieu est de vivre notre vie en faisant de notre mieux et la meilleure façon de dire Merci, mon Dieu est de se détacher du passé et de vivre l'instant présent, ici et maintenant. Se détacher du passé signifie être capable de savourer le rêve que nous vivons en ce moment même. Ne pas vivre entre un passé que l'on regretterait et un futur que l'on espérerait, c'est à dire ne pas être à moitié vivant, ne pas s'apitoyer sur soi-même.

Nous sommes nés avec le droit d'être heureux, d'aimer, de nous réjouir, de partager notre amour. Nous sommes né vivant, alors embrassons notre vie et apprécions-la. Ne résistons pas à la vie qui s'exprime en nous, parce que c'est Dieu qui s'exprime ainsi. Notre seule existence prouve celle de Dieu, elle prouve l'existence de la vie et de l'énergie.

En faisant de notre mieux, l'habitude de mal utiliser notre parole, celle de faire une affaire personnelle de tout ce qui nous arrive et celle de faire des suppositions vont s'affaiblir et se manifester de moins en moins souvent. Si nous faisons toujours de notre mieux, continuellement, nous deviendrons des maîtres de la transformation. C'est la pratique qui fait le maître. Agir, mettre en pratique, voilà ce qui fait la différence. Dans notre quête de liberté personnelle et d'amour de soi, si nous agissons au mieux, nous découvrirons que ce n'est qu'une question de temps avant de trouver ce que nous cherchons. Il nous faut juste nous lever et assumer notre humanité. Honorons l'homme ou la femme que nous sommes. Respectons notre corps car c'est une communion entre nous et Dieu que de faire du bien à notre corps. Par la suite chacun de nos actes devient un rituel pour honorer Dieu. L'étape d'après est de l'honorer par chacune de nos pensées, chacune de nos émotions, chacune de nos croyances, même avec ce qui est juste ou faux.

Les quatre accords toltèques représentent un résumé de la maîtrise de l'art de la transformation, qui est l'une des maîtrises enseignées par les Toltèques et qui permet de changer l'enfer en paradis. La connaissance est à notre disposition ; elle attend simplement que nous voulions bien nous en servir. Les quatre accords toltèques sont là ; nous n'avons qu'à les adopter et respecter leur signification et leur pouvoir.

Nous pouvons conclure l'accord suivant aujourd'hui même : je choisis d'honorer les quatre accords toltèques. Ils sont tellement simples et logiques que même un enfant peut les comprendre. Mais il nous faut une volonté très forte, une volonté puissante pour les respecter. Pourquoi ? Parce que, où que nous allions, notre chemin est jonché d'obstacles. Tout essaie de saboter notre engagement et tout semble organisé autour de nous pour nous inciter à les rompre. Le problème vient des autres accords qui font partie du rêve de la planète. Ils sont vivants et puissants.

Voilà pourquoi il nous faut être un grand chasseur, un grand guerrier, capable de défendre ces quatre accords par notre vie. Notre bonheur, notre liberté, tout notre mode de vie en dépendent. Le but du guerrier est de transcender ce monde, d'échapper à cet enfer et de ne jamais y revenir. La récompense est de réussir à transcender l'expérience humaine de la souffrance, de devenir l'incarnation de Dieu. Voilà la récompense. Au début ce sera difficile car une discipline intérieure rigoureuse est nécessaire, voir décourageant car alors une forte prise de conscience de qui nous sommes s'opère, mais rappelons-nous aussi qu'il nous a fallu des années pour apprendre à maîtriser nos autres accords. En faisant de notre mieux, en aimant et en respectant, chaque jour deviendra un peu plus facile, jusqu'au jour où nous découvrirons que notre vie est régie par nos nouveaux accords conscients. Et nous serons surpris de voir comment elle aura été transformée...

Brise les vieux accords

Tout le monde parle de liberté. Sur toute la planète, des peuples, des races, des pays différents se battent pour elle. Mais qu'est-ce que la liberté ? En Amérique, les gens se prétendent vivre dans un pays libre. Mais sont-ils vraiment libres ? Sommes-nous libres d'être qui nous sommes véritablement ? La réponse est non, nous ne le sommes pas.

Qui nous empêche d'être libres ? On accuse le gouvernement, le temps, les parents, la religion, on accuse même Dieu. Mais qui nous empêche vraiment d'être libres ? Qu'est-ce qui nous retient ? Pourquoi ne parvient-on pas à être soi-même ?

Il nous reste de vagues souvenirs d'il y a très longtemps, lorsque nous étions libres et que nous en jouissions pleinement, mais nous avons oublié ce que signifie vraiment la liberté. Si on regarde un enfant de 2 ou 3 ans, peut-être 4, on voit un être humain libre. Pourquoi est-il libre ? Parce qu'il fait ce qu'il veut. Cet être là est comme une fleur, un arbre, un animal qui n'a pas encore été domestiqué. Et si on les regarde, on constate qu'ils arborent la plupart du temps un grand sourire et qu'ils s'amusent. Ils explorent le monde. Ils n'ont pas peur de jouer. Ils ont peur lorsqu'ils se font mal, qu'ils ont faim ou qu'un de leurs besoins n'est pas satisfait, mais ils ne se soucient pas du passé, ils se fichent de l'avenir et ne vivent que dans l'instant présent. Ils n'ont pas peur d'exprimer ce qu'ils ressentent, ils ont tellement d'amour en eux que s'ils perçoivent de l'amour, ils se fondent en lui. Ils n'ont aucune peur d'aimer. Voilà la description d'un être humain normal. Notre tendance humaine naturelle est de jouir de la vie, de jouer, d'explorer, d'être heureux, d'aimer.

Mais que s'est-il passé chez l'adulte ? Pourquoi sommes-nous si différents ? Pourquoi ne sommes-nous libres ? Du point de vue de la Victime, on peut croire que quelque chose de triste nous est arrivé ; du point de vue du Guerrier, ce qui s'est produit est normal. Le Livre de la Loi, le Juge et la Victime régissent notre existence : voilà ce qui est arrivé. Nous ne sommes plus libres parce que le Juge, la Victime et le système de croyances dont ils font partie ne nous permettent plus d'être le personnage que nous sommes vraiment. Dès l'instant que notre esprit a été programmé avec tout ce fatras, nous n'avons plus été heureux.

Notre vrai moi est encore un petit enfant qui n'a jamais grandi. Parfois cet enfant surgit lorsque nous nous amusons et que nous jouons, lorsque nous nous sentons heureux, que nous peignons, que nous nous exprimons d'une façon ou d'une autre. Ce sont les moments les plus heureux de notre vie, lorsque notre vrai moi se manifeste, que nous ne nous soucions plus du passé ni de l'avenir. Nous sommes redevenus des enfants.

Mais quelque chose transforme tout ceci : on appelle cela les responsabilités. Le Juge dit : Attends un peu : tu es responsable, tu as des choses à faire, tu dois travailler, tu dois aller à l'école, tu dois gagner ta vie et préparer ta retraite. Toutes ces responsabilités nous reviennent à l'esprit. Nos visages changent et nous redevons sérieux. Regardons des enfants jouant aux adultes, leurs petites mines changent. Je vais faire semblant d'être un avocat. A l'instant, son visage se transforme et l'expression d'un adulte prend le dessus.

Nous sommes encore des enfants mais nous avons perdu notre liberté, et nous la recherchons éperdument. Mais en observant notre vie, nous voyons que la plupart du temps nous agissons simplement pour faire plaisir à autrui, pour être accepté par les autres, plutôt que de vivre notre vie pour nous faire plaisir à nous-même. Et c'est ainsi que 999 sur 1000 sont complètement domestiqués. Le pire étant que la plupart d'entre nous n'en sont même pas conscients. Quelque chose nous le murmure... mais nous ne comprenons pas. La première étape vers la liberté est donc la prise de conscience.

Maîtrise ton rêve

Il n'y a aucune raison de souffrir. Notre conscience possède les moyens de guérir. Nous pouvons transformer notre rêve personnel, et de même voir que le rêve de la planète est fondé sur beaucoup de mensonges. Voilà pourquoi il est important de maîtriser notre propre rêve et voilà pourquoi les Toltèques sont devenus des maîtres du rêve. Notre vie est la manifestation de notre rêve : c'est une œuvre d'art. Les maîtres du rêve font un chef-d’œuvre de leur vie ; ils font des choix et ont conscience des conséquences induites. Etre Toltèque est un mode de vie dans lequel n'existent ni leader ni disciples ; chacun a et vit sa propre vérité. Un Toltèque devient sage, sauvage, et il redevient libre.

Il y a trois maîtrises pour conduire les êtres à devenir des Toltèques. La 1ère est la Maîtrise de l'Attention. Elle consiste à être conscient de qui l'on est vraiment, avec toutes ses possibilités. La 2ème est la Maîtrise de la Transformation : comment changer, comment se libérer de sa domestication. La 3ème est la Maîtrise de l'Intention.

L'Intention du point de vue des Toltèques, est cette composante de la vie qui rend possible la transformation de l'énergie ; c'est cet être vivant unique qui englobe toute l'énergie ; ou que l'on appelle Dieu. L'Intention est la Vie elle-même ; c'est l'amour inconditionnel. La Maîtrise de l'Intention est donc la Maîtrise de l'Amour.

Les Toltèques comparent le Juge, la Victime et le système de croyance à un parasite qui envahit l'esprit humain. De leur point de vue, tous les humains qui ont été domestiqués sont malades, puisqu'un parasite contrôle leur esprit et leur cerveau. Ce parasite se nourrit des émotions négatives issues de la peur.

Ce parasite nous suce notre énergie sans rien donner en retour et nous détruit petit à petit. Il représente un être vivant constitué d'énergie psychique ou émotionnelle, et cette énergie est vivante. Il ne s'agit pas d'énergie matérielle, mais ni nos émotions ni nos rêves sont constitués d'énergie matérielle, et pourtant nous savons qu'ils existent. L'une des fonctions du cerveau est de transformer l'énergie matérielle en énergie émotionnelle. Le cerveau est notre usine à émotions et la fonction principale de notre esprit est de rêver. Les Toltèques disent que le parasite contrôle notre esprit, et donc notre rêve personnel ; il survit grâce aux émotions engendrées par la peur et prospère grâce aux drames et aux souffrances.

La liberté que nous recherchons implique une guerre contre ce parasite, voilà pourquoi dans toutes les traditions chamaniques de l'Amérique, du Canada à l'Argentine, les chamans se font appeler guerriers. Etre un guerrier ne signifie pas gagner toutes les batailles, mais en choisissant cette voie on y gagne au minimum la dignité de la rébellion.

Dans un cas, nous ne sommes plus les victimes inconscientes et sans défense de ses propres émotions incongrues et du poison émotionnel d'autrui ; même si on succombe, on ne fait pas partie des victimes tombées sans s'être battues. Dans le meilleur des cas, être un guerrier nous donne l'occasion de transcender le rêve de la planète et de transformer notre rêve personnel en un rêve appelé paradis.

Dieu est toujours présent et le royaume des cieux est partout, mais il est nécessaire d'avoir les yeux et les oreilles pour voir et entendre cette vérité. On doit se libérer du parasite.

Il existe trois méthodes pour couper en nous ce monstre à mille têtes.

 * L'art de la transformation : le rêve de l'attention seconde.

Le rêve que nous vivons actuellement est le résultat du processus au moyen duquel le rêve de la planète a capté notre attention et nous a inculqué toutes nos croyances. On peut appeler le processus de domestication le rêve de l'attention première parce que c'est ainsi que notre attention a été utilisé pour la première fois, afin de créer le premier rêve de notre vie.

L'une des manières de changer nos croyances consiste à concentrer notre attention sur elles et sur nos accords, et à modifier ceux que nous avons conclus avec nous-mêmes. Ce faisant, nous nous servons de notre attention pour la seconde fois, créant ainsi le rêve de l'attention seconde ou nouveau rêve.

La différence, c'est que nous ne sommes plus innocents. Ce n'était pas le cas lorsque nous étions enfant, nous n'avions pas le choix. Mais nous ne sommes plus un enfant. Maintenant, c'est à nous qu'il appartient de choisir. Nous pouvons choisir de croire en ce que nous voulons, y compris de croire en nous-mêmes.

La première étape consiste à prendre conscience du brouillard qui obscurcit notre esprit. Nous devons devenir conscients du fait que nous rêvons en permanence. Seule cette conscience peut nous donner la possibilité de transformer notre rêve. Si nous nous rendons compte que tout le drame de notre vie provient de ce que nous croyons, et que ceci n'est pas vrai, nous pouvons alors commencer à changer. Toutefois, pour vraiment modifier nos croyances, il nous faut concentrer notre attention sur ce que nous voulons changer. Nous devons connaître quels sont ceux que nous voulons changer avant de pouvoir le faire.

L'étape suivante consiste donc à développer la conscience de toutes les croyances limitatrices, fondées sur la peur. Faisons un inventaire de tout ce que nous croyons, de tous nos accords, et ce faisant, la transformation commencera. Nous devenons un maître de la Transformation, en modifiant les accords basés sur la peur et en reprogrammant notre esprit, à notre manière.

A nous d'explorer les possibilités de notre rêve. Les quatre accords toltèques ont été conçus pour nous permettre de briser nos accords limitatifs, nous donner davantage de pouvoir personnel et nous rendre plus fort. Plus nous serons fort, plus nous romprons d'anciens accords jusqu'à ce que nous atteignions le noyau de tous ces accords.

Atteindre ce noyau central consiste à aller dans le désert. C'est dans le désert que nous nous retrouvons face à nos démons intérieurs. Une fois ressorti du désert, tous ces démons deviennent des anges.

La mise en pratique des quatre accords représente un acte important de pouvoir. Il nous faut en effet beaucoup de pouvoir personnel pour rompre le sort de magie noire auquel est soumis notre esprit. Chaque fois que nous brisons un accord, nous récupérons un peu plus de pouvoir. A mesure que nous brisons les petits accords, notre pouvoir personnel s'accroît jusqu'à ce que nous soyons finalement en mesure d'affronter les grands démons qui nous habitent.

Enfin, chaque accord que nous brisons doit être remplacé par un nouvel accord qui nous rend heureux. Cela évitera le retour de l'ancien, qui part alors à jamais.

Cette quête ne semble jamais finir, c'est la raison pour laquelle il nous faut aller pas à pas et faire preuve de patience envers nous-même, parce que cela prend du temps. Il est très difficile de rompre nos accords, parce que le pouvoir de notre parole (qui est celui de notre volonté) a été investi dans chacun de ceux que nous avons conclus.

Pour modifier un accord, il faut la même quantité de pouvoir nécessaire à le créer. Or presque tout le pouvoir qui nous reste sert à maintenir les accords passés avec nous-mêmes. Cela tient au fait que nos accords sont une forme de toxicomanie : nous sommes dépendants de la façon dont nous vivons, de la colère, de la jalousie et de l'auto-apitoiement. C'est la répétition continuelle de tous ces anciens accords qui a fini par diriger notre vie. Par conséquent, nous devons également utiliser la répétition pour adopter nos nouveaux accords. C'est la répétition qui fait le maître.

 * La discipline du guerrier : contrôler son comportement.

Un matin nous nous réveillons débordant d'enthousiasme pour la journée à venir. Nous sommes heureux, plein d'énergie pour affronter la journée. Puis à un moment, un évènement crée un déversement d'émotions. Nous nous emportons, et dans notre colère nous dépensons beaucoup de pouvoir personnel. Au terme de cette débauche, nous nous sentons vidé, et nous n'avons qu'une envie : s'isoler et essayer de récupérer. Nous passons en fait toute la journée pris par nos émotions. Il ne nous reste aucune énergie pour continuer, et nous n'avons plus envie de rien faire.

Chaque jour on se réveille avec une certaine quantité d'énergie mentale, émotionnelle et physique, que l'on dépense au cours de la journée. Si nous laissons nos émotions nous vider de cette énergie, il ne nous en reste plus pour changer notre existence ou pour en donner aux autres.

Notre façon de voir le monde dépendra des émotions que nous ressentons. Lorsque nous sommes en colère, rien de ce que nous voyons ne semble aller, tout paraît faux. Nous nous mettons à tout critiquer, y compris le temps ; qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, rien ne nous satisfait. Lorsque nous sommes triste, tout nous semble triste et nous donne envie de pleurer. Nous regardons tomber la pluie et chaque chose semble infiniment triste.

En imaginant que l'esprit humain soit pareil à notre peau et que celle-ci soit blessée -entaillée ou infectée-, si nous touchions cette plaie, nous aurions mal. Si l'on continue d'imaginer que tous les humains ont une maladie de peau, personne ne peut toucher qui que ce soit. Tout le monde a des plaies partout sur la peau, au point que cet état d'infection généralisé est considérée comme normal, et la douleur aussi.

Pouvons-nous nous représenter les comportements que nous adopterions, si tous les êtres humains sur cette planète avaient une maladie de peau ? Nous ne pourrions bien sûr pas nous prendre dans les bras, parce que ce serait trop douloureux. Il nous faudrait garder beaucoup de distance entre nous.

L'esprit humain ressemble tout à fait à cette description d'une peau infectée. Chaque être humain possède un corps émotionnel entièrement recouvert de plaies infectées. Chacune d'entre elles suppure du poison émotionnel, provenant de toutes les émotions qui nous font souffrir, telles que la haine, la colère, l'envie et la tristesse. Toute injustice ouvre une plaie dans l'esprit et nous y réagissons par du poison émotionnel, en raison des notions et croyances que nous cultivons concernant la justice et l'injustice.

Cet état n'est pas normal. Le rêve de la planète est pathologique et les humains souffrent d'une maladie mentale appelée peur. Les comportements psychotiques se produisent lorsque l'esprit est tellement effrayé et les plaies si douloureuses qu'il est préférable de rompre le contact avec le monde extérieur.

Il existe un remède. Tout d'abord, on a besoin de la vérité pour ouvrir ces plaies émotionnelles, en sortir le poison et les guérir complètement. Comment devons-nous procéder ? On doit pardonner à tous ceux qui nous ont fait du tort, non parce qu'ils le méritent, mais parce qu'on s'aime tellement soi-même, qu'on ne veut plus continuer à payer pour les injustices passées.

Le pardon, la fin du ressentiment, est la seule façon de guérir. A tous, jusqu'à Dieu. Lorsque nous avons pardonné à Dieu, nous pouvons finalement nous pardonner à nous-mêmes. Lorsque nous nous serons pardonné, le rejet de nous-mêmes disparaîtra de notre esprit. Ce sera le début de l'acceptation de nous, et notre amour-propre deviendra si fort que nous pourrons finalement nous accepter tel que nous sommes. Ce sera le commencement de la liberté humaine. Le pardon en est la clé.

Lorsque que quelqu'un peut toucher l'endroit où se trouvait une plaie et que cela ne nous fait plus mal, nous savons que nous avons vraiment pardonné.

La vérité est semblable à un scalpel. Elle est douloureuse, car elle ouvre toutes les plaies recouvertes par des mensonges, afin qu'on puisse guérir. Ces mensonges constituent un dispositif de déni. C'est une bonne chose puisqu'il nous permet de recouvrir nos plaies et de continuer à fonctionner. Mais lorsqu'on est débarrassé de toute plaie et de tout poison, on n'a plus besoin de mentir. Le dispositif de déni n'est plus utile, car un esprit sain, comme une peau saine, peut être touchée sans que cela fasse mal. Lorsqu'il est propre, sain, l'esprit aime être touché.

Avoir une parole impeccable et devenir un guerrier spirituel évite de perdre le contrôle de nos émotions, de notre équilibre.

Comment devenir un guerrier ? Les caractéristiques d'un guerrier sont quasiment les mêmes partout dans le monde. Premièrement, le guerrier possède la conscience. On est conscient d'être en guerre, et celle-ci dans notre esprit exige de la discipline. Non celle d'un soldat, mais celle d'un guerrier, celle consistant à être soi-même, quoi qu'il advienne.

Ensuite, le guerrier doit posséder le contrôle. Il ne s'agit pas de contrôler d'autres êtres humains mais ses propres émotions, son propre moi. C'est lorsqu'on perd le contrôle qu'on réprime ses émotions. Mais à l'inverse de la victime qui réprime, le guerrier réfrène. Se réfréner signifie contenir ses émotions puis les exprimer au bon moment : ni avant, ni après. Voilà pourquoi les guerriers sont impeccables. Ils contrôlent totalement leurs émotions et donc leur propre comportement.

 * L'initiation de la mort : embrasser l'ange de la mort.

Le dernier moyen pour atteindre la liberté personnelle est de se préparer à l'initiation de la mort, c'est à dire de prendre la mort elle-même comme instructeur. L'ange de la mort peut nous enseigner comment être vraiment vivant, comment le devenir. Nous devenons conscients qu'on peut mourir à tout moment ; seul le présent permet d'être vivant. La vérité est qu'on ne sait pas si on sera encore en vie demain. Qui le sait ? On pense avoir encore de nombreuses années devant soi. Mais est-ce le cas ?

Si nous allions à l'hôpital et que le médecin nous disait qu'il ne nous reste qu'une semaine à vivre, que ferions-nous ? Comme nous l'avons dit auparavant, nous avons deux choix. L'un est de souffrir et de dire à tout le monde : pauvre de moi, je vais mourir, et d'en faire tout un drame. L'autre est de profiter de chaque instant pour être heureux, pour faire ce qui nous fait vraiment plaisir. On peut se dire : Je vais être moi-même. Je ne vais plus vivre ma vie en essayant de faire plaisir aux autres. Je n'aurai plus peur de ce qu'ils pensent de moi. Qu'est-ce que cela peut faire, puisque je serai mort dans une semaine ? Je serai moi-même.

L'ange de la mort peut nous apprendre à vivre chaque jour comme si c'était le dernier, comme s'il ne devait pas y avoir de lendemain. On peut commencer chaque journée en se disant : Je suis éveillé, je vois le soleil. Je vais exprimer ma gratitude au soleil, à chaque chose et à chacun, parce que je suis encore en vie. Je dispose d'un jour de plus pour être moi-même.

Voilà ce que l'ange de la mort nous enseigne : à être complètement ouvert, à savoir qu'il n'y à rien à craindre, à agir avec chacun comme si c'était la dernière fois qu'on les voyait.

Il nous est possible de vivre notre vie de cette manière. Ce faisant, nous nous préparons à l'initiation de la mort. Au cours de cette initiation, le vieux rêve qui loge dans notre esprit mourra à jamais. Oui, il nous restera des souvenirs du parasite, mais ce parasite sera mort.

Il n'est pas facile de choisir cette initiation de la mort, parce que le Juge et la Victime s'y opposeront de toutes leurs forces. Ils ne veulent pas mourir. Qui plus est, nous croyons que c'est nous-mêmes qui allons mourir, et cette mort nous fait peur.

En réalité, lorsqu'on vit dans le rêve de la planète, c'est comme si on était déjà mort. Celui qui survit à l'initiation de la mort reçoit donc le plus beau des cadeaux : la résurrection. Ressusciter signifie se lever d'entre les morts, être vivant, être de nouveau soi-même. La résurrection fait à nouveau de nous des enfants, sauvages et libres, mais avec une différence : désormais nous jouissons d'une liberté accompagnée de sagesse et non plus d'innocence.

Voilà ce que l'ange de la mort nous enseigne, dans la voie Toltèque : Vois-tu, tout ce qui existe ici m'appartient ; ce n'est pas à toi. Tout m'appartient et je peux te le reprendre quand je veux, mais pour l'instant tu peux en faire usage.

Si nous nous soumettons à l'ange de la mort, nous serons éternellement heureux. Pourquoi ? Parce qu'il emporte le passé et permet ainsi à la vie de continuer. A chaque moment écoulé, l'ange de la mort ne cesse d'en prendre la part qui est morte, tandis que nous continuons de vivre dans le présent. Le parasite souhaite que nous portions le passé avec nous, c'est pourquoi être vivant nous pèse tant. Tant qu'on essaie de vivre dans le passé, comment pouvons-nous savourer le présent ? Lorsqu'on rêve du futur, pourquoi nous faudrait-il porter le fardeau du passé ? Quand allons-nous enfin vivre dans le présent ?

Voilà ce que l'ange de la mort peut nous enseigner. 

Don Miguel R

Pour approfondir la tradition Toltèque, quelques auteurs...
 * Carlos Castaneda
 * Florinda Donner-Grau
 * Taïsha Abelar
 * Victor Sanchez
 * Armando Torres
 * Luis Ansa